à propos de son ouvrage
FP distingue deux usages de l'informatique : l'usage spéculaire et l'usage managérial.
Usage spéculaire : deux grandes phases dans un processus d'informatisation : le processus d'organisation classique suivi de l'analyse organique qui est une première épreuve de réalité, les tests (celle-ci peut être biaisée, mais il existe un principe régulateur, assurant la cohérence interne. La caractéristique essentielle de l'informatique est qu'on part d'un modèle classique d'organisation qu'on épure et qu'on teste avec l'ordinateur selon le principe de l'alternative (ou de non contradiction). On observe donc un double niveau de rationalisation : on passe du fonctionnalisme à l'hyperfonctionnalisme (analogue à hyperréalisme en art, avec son triple niveau : l'objet, la photo, la peinture). L'informatique met en lumière les incohérences, implique l'exhaustivité, selon un modèle logico-mathématique, abstrait. L'informatique renvoie une image de l'activité rationaliste, il existe une relation affective entre l'informaticien et sa machine : il cherche la maîtrise, se teste lui-même.
Mais lors du lancement du système dans le milieu social, deuxième épreuve de réalité. que se passe-t-il ? FP a observé trois types de réaction : le refus, la neutralisation de l'application par les utilisateurs, l'intégration de l'application dans le jeu des acteurs (cas où l'informatique transforme effectivement le jeu des acteurs). (cf. les cas relatés dans "l'illusion informatique).
Pourquoi ces problèmes ? Pourquoi l'informatique bénéficie-t-elle néanmoins toujours d'une aura ?
Usage managérial : il existe, selon FP, une proximité forte entre l'informatique et le positivisme politique de l'entreprise. L'entreprise est une communauté politique (au sens d'Aristote). Mais on ne gouverne pas les homes de la même manière que les choses, comme le voulait Saint-Simon, ou alors on occulte des phénomènes. L'essence de la relation est dans les bricolages négociatoires. Le positivisme consiste à résoudre les conflits en faisant appel à la règle. Les modèles informatiques s'imposent parce que, étant passés à l'épreuve de la cohérence, ils jouissent d'un certain type de légitimité (comme Taylor qui, introduisant la physique à l'atelier, fait appel à un principe de légitimité scientifique pour résoudre les conflits, sans trop se soucier si ce principe est adéquat au social). La rationalité scientifique fonctionne selon le principe de l'alternative : "a" et "non a" ne peuvent être vrais en même temps ; la rationalité sociale renvoie à des cohérences de pratique (chacun est capable de donner de bonnes raisons, bien que contradictoires, à ses actions). Le passage de l'une à l'autre rationalité pose problème.
Discussion
Il paraît trop simple d'attribuer le principe de non-contradiction aux mathématique ; il existe des contradictions en mathématiques (lutte de pouvoirs entre scientifiques). L'opposition entre sciences "dures" et sciences sociales est discutable. L'usage spéculaire permet justement de s'apercevoir que les choses ne sont pas simples.
L'informatique n'est pas en mesure de structurer le champ social. Pourtant, répond FP, la technique institue des normes qui sont défendues comme de enjeux par les acteurs sociaux.
On craint que l'informatique ne supprime le droit à l'erreur pour l'utilisateur. Mais encore faut-il la reconnaître pour qu'elle soit formatrice. En supprimant le droit à l'erreur, l'informatique risquerait d'être un facteur de désinvestissement pur les utilisateurs.
Compte-rendu rédigé par C. Hoffsaes