Dans cette expérience vécue, on peut distinguer deux niveaux de représentation : représentation de l'espace et représentation informatisée de cette représentation. La carte n'est pas le territoire, disent les géographes, la représentation des espaces habités pas d'avantage. Comme toute représentation, elle suppose des découpages et des choix dont certains sont visibles et d'autres pas.
1. A propos de l'architecture : on sait ou on pressent que
le type de modélisation de l'espace choisi appelle et correspond à
une certaine manière de penser l'architecture. Parmi les premiers logiciels
d'aide à la conception en architecture, deux grands type de modélisation
tridimensionnelle de l'espace :
- l'un partant d'entités volumétriques caractérisées
assemblées entre elle (cubes, sphères, toits...)
- l'autre partant d'un relevé de points de l'espace, extraits d'un plan
d'architecte digitalisé, et assorti de leurs liaisons.
Ces deux procédures sont susceptibles en théorie de parvenir à un résultat graphique identique, mais en pratique les représentations obtenues diffèrent car elles résultent de processus de production de l'espace architectural tout autrement conçus. Actuellement, on tend à utiliser des aides ponctuelles, et de plus en plus différenciées, plutôt qu'un système informatisé monolithique.
2. A propos de base de données urbaines, deux principales questions soulevées :
- La première est celle de la provenance des données : les fichiers sources peuvent être issus d'organismes ou extraits de documents multiples (Insee, fiscalité, cadastre...) ; leurs contenus ne sont pas toujours également fiables, et parfois même sont contradictoires entre eux ; on pourra aussi ignorer quels calculs préliminaires ont présidé à la constitution d'un fichier dont la banque de données est dépositaire, etc.
- La deuxième question est celle des procédures d'utilisation : on tendra par exemple à privilégier l'îlot, comme unité de regroupement de données, dans la mesure où il se présente comme une unité de gestion administrative en même temps qu'une unité graphique prédécoupée simple ; tandis qu'on hésitera - ou qu'on devra renoncer, faute d'une structure informatique le permettant - à rassemble des données correspondant aux parcelles bordant la rue, et "commandée" par elle. Or la ville s'est construite (jusqu'à il y a peu) à partir de ses voies. On imagine les problèmes nés de ces multiples effets de sélection et de représentation.
De même qu'on entend parler, abusivement (?) de "tissus mous"
en architecture pour évoquer tout ce qu'on peut supprimer, on qualifie
couramment les sciences humaines de "sciences molles". On préfère
parler de sciences narratives parce qu'un principe de narration
est à l'oeuvre dans ces sciences. Le choix d'une manière de représenter
est lié à ce principe de narration. Supprimer la question posée
par le principe de narration c'est donner, mais sans le signifier, la priorité
à un type de narration, à une décision prise de raconter
l'histoire de cette façon là. Or le représentation rétroagit
sur les représentés .
- par exemple, dixit un architecte urbaniste : "j'ai appris ce qu'il fallait
regarder dans la ville enlisant le listing d'une banque de données urbaine".
Or les arbres notamment n'y figuraient pas...
En fait, la représentation est ici une approximation partielle ou totale du représentant à partir d'un protocole (le protocole étant une structure et des instanciations).
Discussion : N'est-ce pas là un exemple patent d'une certaine illusion, engendrée par l'informatique, qui vise à l'exhaustivité et à la totalité en sous-estimant les contraintes pratiques et en minimisant les choix contingents d'une représentative, résultats d'une certaine forme de narration ? Comme pour les aides à la conception en architecture, ne faut-il pas renoncer aux projets ambitieux et totalisant pour accompagner chaque étape d'une démarche orientée par des objectifs particuliers ?
Compte-rendu rédigé par C. Hoffsaes et E. Volpe