09/04/1992 Exposé de Daniel Andler (Philosophie)

Crea. Centre de recherche épistémologie et autonomie (Ecole polytechnique)

Les sciences cognitives

cf. Introduction aux sciences cognitives. Cerisy, 1987. Folio


L'intelligence artificielle

L'expression d'intelligence artificielle, due à J. Mc Carthy (1956), a été fort discutée mais s'est imposée. En fait, elle est bien choisie, bien que provocatrice, car on a bel et bien l'ambition de créer une machine intelligente : c'était déjà l'ambition de Turing en 1950.

En 1956, on pensait que l'ordinateur était un bon modèle du système nerveux central et qu'un programme a d'autant plus de chances d'être un bon modèle pour un comportement "intelligent" que la tâche peut se décomposer en tâches élémentaires, chacune pouvant être simulée par un programme. Ainsi, simuler et expliquer l'intelligence sont des activités profondément liées. Le problème : quel rôle joue l'ordinateur dans l'étude des phénomènes mentaux ? Il y avait en 1956 collaboration entre les psychologues qui testaient les sujets et les spécialistes en IA qui réalisaient les programmes. H. Simon fut le grand penseur fondateur de l'IA.

Dans une deuxième phase, si on a du mal à concevoir le programme imitateur, on se contente d'en concevoir un qui parvient au même résultat (les avions volent sans battre des ailes). L'IA se dégage alors des psychologue, bien que ceux-ci continuent à regarder du côté de l'IA. n fait, les spécialistes en IA se font leur propre psychologie ou linguistique, mais sans méthode.

Dans une troisième phase, on éprouve le besoin d'un corpus en IA. Comme par ailleurs les psychologues ont progressé, on observe depuis dix ans un rapprochement entre certains spécialistes en IA et les sciences humaines (exemple : LIPN à Paris-Nord). Par ailleurs, certains abandonnent les ambitions conceptualisatrices pour une orientation technologique (systèmes experts) qu prend comme source un savoir constitué, recueilli auprès des experts.

Les sciences cognitives

C'est une tradition (dont Piaget fut longtemps exclu), un regroupement de chercheurs sur des thèmes et un cadre théorique.

La tradition fut lancée au colloque du MIT en 1956 qui ouvrit un nouveau champ d'investigation scientifique. Puis en 1969 Miller et Brune fondèrent au MIT le Center for cognitive studies.

Cinq disciplines principales constituent le champ des sciences cognitives: l'IA, la philosophie, la psychologie, la linguistique, les neurosciences. Seule l'IA est pleinement immergée dans le champ car la présence de chacune des autres est déniée par l'un ou l'autre et la partie de chaque discipline inscrite dans les sciences cognitives est contestée dans sa propre discipline. En France, la philosophie n'apparaît pas au même niveau que les autres sciences bien que "l'ordre du jour des sciences cognitives soit celui de la philosophie occidentale, au moins de la logique" comme l'écrit Gardner (l'induction et la déduction, l'intuition et la connaissance, l'épistémologie...).


Le cadre théorique (dit cognitivisme classique) se constitue vers 1956 autour de l'idée que l'esprit humain ou le SNC, comme l'ordinateur, sont des systèmes à traiter l'information, autrement dit quelque chose qui opère des calculs sur des représentations (voir compte-rendu de la réunion du 10/2//1990).
- opérer : dans le sens d'un déclenchement automatique de calculs,
- représentations = entités matérielles porteuses de sens.

Ces définitions hautement problématiques sont claires quand il s'agit d'ordinateur. Les facultés mentales seraient-elles un enchaînement d'opérations ?

Le rôle-clé de l'ordinateur est d'avoir imposé la méthode opératoire

Un autre paradigme, issu du mouvement cybernétique et longtemps occulté par l'IA, le connexionisme, fut repris vers 1970 par Anderson et Rosenfeld et s'installe à la fois comme rival et allié du cognitivisme classique.

Compte-rendu rédigé par C. Hoffsaes