21/10/1993. Exposé de Daniel Kayser (Informatique)

Laboratoire d'informatique (Université Paris-Nord)

La place de l'IA dans les sciences du raisonnement

A partir de chaque "faculté" humaine, on peut obtenir un discours normatif et un discours prescriptif. A propos du raisonnement, on peut dire que la logique est le discours normatif et la psychologie cognitive le discours descriptif. L'IA n'y trouve pas de place, si ce n'est au service de la psychologie (mais celle-ci cherche plutôt ses modèles en statistique).

Thèse de DK : la logique parle au nom du raisonnement valide : si les prémisses sont vraies, alors la conclusion est vraie. Mais la logique ne s'intéresse pas aux prémisses Le fait que la logique soit la norme du "vrai" l'empêche d'être une norme adéquate de raisonnement, notamment parce que le choix du modèle lui échappe.

L'IA en revanche s'intéresse au monde, or il est impossible de définir la vérité dans les modèles sur le monde. L'IA répond à un besoin, les objectifs lui sont donnés. Pour résoudre un problème, il faut toujours aller chercher des connaissances supplémentaires : cette recherche, c'est de l'IA, pas de la logique. En revanche, la notion de validité n'est pas la préoccupation de l'IA.

La logique fonctionne sur des prérequis :
- les symboles sont dénotés,
- pour éviter de dire n'importe quoi, il faut un modèle, il doit exister un modèle.

A cela on peut opposer des objections :
- La vocation du symbole n'est pas de dénoter, mais de déclencher des inférences. On ne peut cependant pas inférer n'importe quoi, car il y a une réponse du monde qui dénonce les inconsistances et l'inefficacité.

La langue fonctionne pour nous de façon ambiguë. Ex. : quand on dit "un livre me ferait plaisir", s'agit-il d'une chose particulière (ce livre-là, annoté par x...), ou bien d'un ouvrage spécifique (titre et auteur) ou bien d'un objet de la catégorie "livre" ?

- Vouloir exprimer en termes logiques une norme de l'intelligence est un erreur, car la logique part d'un univers prédéfini, or la caractéristique de l'intelligence est de se forger au fur et à mesure les éléments du raisonnement (dans la vie, le raisonnement est reconstitué après coup, pour être justifiable).


Si l'IA est normative, ce n'est pas d'un raisonnement valide, mais elle devrait l'être d'un raisonnement efficace, tandis que la logique est intrinsèquement inefficace : au delà du premier ordre, tout est indécidable.


En conséquence, on peut attribuer trois missions à l'IA :
- la technologie mise au service d'une problématique (systèmes-experts)
- l'IA anthropomimétique, dont la mission est de refléter l'intelligence humaine ; en fait, elle et un outil de modélisation de la psychologie cognitive : imiter ou simuler pour mieux connaître ;
- l'IA qui vise à concevoir une autre forme d'intelligence, pour être efficace autrement, sans chercher à imiter l'humain mais avec le souci de ne pas en rester à des recherches particulières, de trouver quelque chose de plus général, un modèle normé de raisonnement efficace, donc toujours révisable, défaisable (cf. les logiques non monotones).

Compte-rendu rédigé par C. Hoffsaes et D. Kayser