Le numérique
dans l’art
Pierre Berger.
Cnam 21/2/2018.
De
la poésie au transmédia en passant par la musique et le
cinéma, de la préhistoire à la singularité
en passant par les années glorieuses de l’art numérique
autour des années 2000, l’histoire de l’art nous
guide dans une exploration du riche concept de « numérique »,
profondément cohérent mais d’une extrême
diversité.
L’art numérique, ce sont
quelque 2500 artistes recensés, avec une croissance quasi
exponentielle des années 1960 aux années 2000. C’est
aussi, maintenant, une formule qui aurait besoin de nouvelles
inspirations pour ne pas s’enfermer dans quelques schémas
efficaces mais limités.
On
trouvera ici la partie générale de la conférence.
Elle sera abrégee pour la présentation en salle, et
selon le temps disponible, complétée par des
présentations spécifiques aux différents types
d’art : peinture/photographie, cinéma/vidéo,
sculpture et objets animés, architecture, musique,
interaction, web, multimedia/transmedia.
L’esprit de l’homme à trois clés qui ouvrent tout : le chiffre, la lettre, la note. Savoir, penser, rêver. Tout est là
|
…
Les théoriciens…
…..
Et
le marché :Is it art ? (une revue) et la fondation
Louis Vuitton à Paris : la fortune fait autorité.
Il est bien difficile de dire ce qu’est l’art aujourd’hui, en tous cas depuis Marcel Duchamp et son urinoir. Si l’on prend par exemple deux textes parus en 1970, les approches s’opposent aux extrêmes. D’une part le très « post-moderne » interminable défilé de paradoxes dans la Théorie esthétique de Theodor Adorno, de l’autre, dans Le nouvel esprit artistique de Nicolas Schöffer les rapides esquisses d’un art technologique sûr de lui au point de se voir comme un mentor pour la ville et l’humanité toute entière. Plus tardif, érudit, historicisant (O Kant !) équilibré, L’art de l’âge moderne de Jean-Marie Schaeffer.
Face aux théoriciens, fonctionne un marché de l’art florissant où les choix des grands collectionneurs donnent les lignes sans s’encombrer de théorie.
Lüdeking montre le caractère fondamental de cette impossibilité d’une définition formelle « Si l’on essaye de lier l’usage du concept d’art de façon cohérente à un critère déterminé, on se trouve manifestement dans une contradiction inévitable avec l’usage courant de ce concept ».
Adorno
T.W, : Théorie esthétique. Klincksieck, ,
1995
Ludeking K. : La philosophie analytique de l’art. Vrin 2013.
Schaeffer
J.-M. : L’art de l’âge moderne.
Gallimard 1992.
Schöffer Nicolas : Le nouvel
esprit artistique. Denoël 1970.
Le
numérique. Un vaste concept dont l’art va nous permettre
d’explorer maints volets, depuis leurs origines disparates
jusqu’à une explosion tous azimuts, à travers
trois « miracles » : grec, médiéval,
binaire.
Une grande diversité d’aspects
Des origines lointaines
Une convergence, que nous allons suivre jusqu’aujourd’hui.
Le nombre dans la nature, et quel
nombre : la section d’or.
Fractales dans la nature, le chou
Romanesco.
Algorithme. La pierre de
Blomberg. Quelques dizaines de milliers d’années
Canons
par mise au carreau (Egype, quelques milliers d’années).
Panofsky E. : L’œuvre d’art et ses signifiations. Gallimard 1955 – 1969
L’alphabétisation,
existant par exemple déjà en phénicien, libère
l’écriture des associations sémantiques entre
graphies et signification. Par là on se détache
nettement des langages à hiéroglyphes ou à
idéogrammes.
Le grec achève la mutation. C’est
la première langue qui alphabétise les voyelles aussi
bien que les consonnes. L’écriture devient une image
complète de la parole, à l’exception de la
prosodie. Cette séparation est un aspect essentiel du
« numérique », comme on le verra avec
Shannon et Weaver.
La poésie introduit le
nombre dans l’écriture même. C’est la
métrique.
L’architecture (et ce que
nous savons de la peinture) reste assez peu numérique, tout en
appliquant des canons de proportions et même, plus subtilement,
une courbure pour obtenir un bon effet optique. Elle est certainement
calculée « à l’œil ».
Ces principes sont exposés
en détail dans le De Architectura du romain Vitruve
(premier siècle avant notre ère).
Les
Grecs introduisent aussi le numéraire, avec la monnaie de
Crésus. Ce n’est peut-être pas de l’art,
mais c’est bien utile au marché de l’art ! Et
la monnaie est « numérique » en ce sens
qu’elle n’est pas une valeur continue. On ne peut pas
fragmenter les unités de base. Une autre propriété
importante du numérique d’aujourd’hui, que nous
préciserons.
A Rome apparaissent les orgues à clavier. Ils mettent en jeu
deux nouvelles composantes du « numérique » :
-
le clavier est par nature même « digital »,
et ce sera certainement une des raisons qui feront plus tard employer
ce mot en anglais, qui sera traduit en français par
« numérique »,
- l’orgue
nécessite l’apport d’une énergie
extérieure ; c’est donc, dans une certaine mesure,
un « automate » ; il diffère en ce
sens des autres instruments, notamment les lyres, clavecins…
où l’énergie est fournie directement par les
mains de l’artiste. C’est à la fois un avantage,
avec la possibilité de grandes puissancee, et une limite
puisqu’on ne peut guère jouer sur la force de la frappe
(la « vélocité » sera reprise au
XXeme siècle sur les claviers électroniques).
C’est aussi sous l’empire romain, vers le 3eme siècle, qu’apparaît le terme « code », et un peu plus tard le plus connu, le code Codex Justinianus. On peut dire qu’il s’agit d’une « numérisation » du droit… (« responsabilté civile » en France se traduit par « article 1240 du code civil »). Techniquement, le terme désigne le remplacement des rouleaux de parchemins par des collections de feuilles reliées. Le mot a pris par la suite d’autre sens, notamment : formule de changements de jeux de caractères, et plus récemment, programme. Peu d’artistes numériques publient leur code.
Mais
le miracle grec, puis gréco-romain finira par se dissiper.
Peut-être parce que les Anciens méprisaient trop la
technique et les machines, et préféraient recourir à
l’esclavage, bloquant ainsi les progrès et s’enfermant
dans une opposition sans espoir avec les « barbares ».
Quelques
références
Panofsky E. :
L’œuvre d’art et ses significations.
Gallimard 1955 – 1969.
Fleury P. : L’orgue hydraulique antique. https://www.unicaen.fr/puc/images/preprint0022005.pdf
Woods
R.: Pipe Organs.
vhttps://ethw.org/Pipe_Organs.
Sartre M. : Histoires grecques . Seuil
2006
Wkipedia : Code Justinianus.
https://en.wikipedia.org/wiki/Codex_Justinianus#cite_note-jolowicz1972-2
Les
Arabes apportent trois nouvelles composantes du « numérique » :
-
les nombres indiens,
- l’algorithme (Al Kwarizmi), dont il
font un usage systématique en décoration
artchitecturale,
- le mot (sinon l’idée) du hasard
(al-zahr qui veut dire « les dés »).
La
Renaissance, et jusqu’au romantisme, nous a habitués à
ne voir dans le Moyen-Age qu’une époque d’obscurantisme.
Or, avec des sommets atteints sous le règne de Saint Louis,
cette époque combine, aux limites de l’invraisemblable,
le mysticisme religieux et la passion des machines.
Imaginons
nous, un beau matin, participant à une messe à la
Sainte Chapelle. La lumière est comme entièrement
pixelisée par les vitraux multicolores. Même le sol est
à l’unisson, car il était (à l’époque
) revêtu de marbre blanc. Nous sommes en pleine immersion
virtuelle dans la Jérusalem céleste.
Mais
les connaisseurs savent bien que ces splendeurs ne tiendraient pas
sans une invention bien matérielle de cette époque, le
marteau-pilon (comme l’a bien montré un récent
documentaire d’Arte). En effet, la structure a besoin, pour
tenir, de fortes barres de fer. Bien trop grosses pour que les hommes
puissent les forger à la main. Le marteau-pilon n’est
d’ailleurs qu’une des applications des moulins à
eau, qui se répandent largement à cette époque.
Près
du roi, la robe blanche de Thomas d’Aquin, très occupé
à numériser en quelque sorte la totalité de la
théologie et de la philosophie de l’époque, avec
sa Somme Théologique, composée de quatre parties
comprenant 512 (29 mais, c’est certainement un
hasard) questions, soit 3 000 articles, chacun d’eux
organisé méthodiquement en objections, résumé
de la thèse et réponse aux objections.
Il
fait marcher à fond la machine logique aristotélicienne.
Il aurait adoré la logique de la première IA (à
la Prolog). Trop d’ailleurs, et lui-même dira sur le tard
« C’est de la paille ». Et maintes de ses
thèses seront condamnées quelques années après
sa mort.
Thomas
n’est pas que théologien, il compose aussi des hymnes,
dans un chant grégorien qui prend de plus en plus une
régularité harmonique et rythmique qui s’éloigne
des traditions. Quelques années plus tard, en 1324, cette
musique « réglée » sera interdite
par une bulle du Pape Jean XXII, heureusement retirée par la
suite, et ouvrant la voie à des écritures musicales de
plus en plus numériques. L’orgue prend un nouvel essor.
Ces
mystiques n’opposent pas, comme certains philosophes du XXe
siècle, la pesanteur à la grâce. La pesanteur,
ils vont même s’en servir pour numériser le temps,
avec par exemple la belle horloge de 1370, que nous pouvons toujours
admirer à la Conciergerie de Paris. Là, nous sommes
vraiment dans le « numérique », le temps
est discrétisé par le battement du balancier, comme il
l’est encore dans nos ordinateurs par l’oscillateur à
quartz.
Et
non seulement ils osent se libérer de la journée
antique, où les heures suivaient le soleil, mais ils y mettent
presque de la révérence : « Machina
quae bis sex tam juste dividit horas, justitiam servare monet,
legesque tueri » (Cette machine qui divise si bien les
heures par douze, nous apprend à servir la justice et à
respecter les lois).
Dante pousse l’audace encore
plus loin. Au chant X du « Paradis » de la
Divine Comédie, intitulé « Chant du
quatrième ciel », écrit avant 1321, Dante
mentionne une horloge mécanique, ses rouages et même sa
sonnerie : « Comme une horloge alors qui nous
appelle à l'heure où l'épouse de Dieu se lève
pour chanter les matines en l'honneur de son époux, afin
d'obtenir son amour, et dont un rouage tire et pousse l'autre, en
sonnant tin-tin d'une note si douce que l'esprit bien disposé
se gonfle d'amour... ».
http://classiques.uqac.ca/collection_methodologie/attali_jacques/histoire_du_temps/histoire_du_temps_texte.html
).
Mais le bel édifice médiéval aristotélicien finira par se déliter. Peut-être parce qu’il était trop basé sur la logique verbale. Il aurait fallu creuser plus profond. Cela va attendre pendant un demi-millénaire.
Duby
G. : Le temps des cathédrales. Gallimard 1976.
éal, 1950.
Follet K. : Les piliers de la Terre.
Original 1989. Traduction Le livre de Poche.
Le Goff J. : Les intellectuels au Moyen Age. Seuil 1957.
Panofsky
E. : Architecture gothique et pensée scolastique.
Editions de minuit, 2004.
Sartre M. : Histoires
grecques . Seuil 2006
Du
Moyen-Age à la moitié du XXeme siècle, le
numérique ne va pas réellement impacter le monde de
l’art, sauf en musique. Cependant, peu à peu, une
multiplication d’innovations diverses allant dans le sens de la
numérisation va préparer le miracle suivant.
Certaines
sont extérieures à l’art, dictées par des
besoins techniques :
- cartes perforées comme mémoires (le métier
Jacquard, puis le recensement américan et les entreprises en
général)
-
code Morse pour les télécommunications.
-
plus généralement, progrès de la mécanique
et de la chimie pour apporter la photographie, l’enregistrement
sonore, puis le cinéma qui les réunit, et même la
télévision ; sur ces deux terrains, la technique
permet miniaturisation et réduction des consommations
énergétiques, ce qui sera essentiel par la suite, mais
c’est l’électronique qui changera vraiment la
donne.
En linguistique, Saussure montre que toute langue est un « système d’oppositions ». (D’une autre façon, c’était le point de vue de Hegel).
D’autres ouvertures vers la numérisation viennent au contraire du monde même de l’art.
Sans
doute parce qu’elle est numérique depuis l’origine,
c’est en musique seulement que l’on peut voir une
série cohérente de développements, depuis la
musique réglée, avec la polyphonie, le contrepoint et
l’harmonie,
le clavecin bien tempéré de
Bach, https://www.youtube.com/watch?v=00s8KunOj-U
La
notation de Rousseau
puis de nouveaux instruments Theremin, Martenot https://www.youtube.com/watch?v=K6KbEnGnymk
et, très vite, le passage à de nouvelles formes plus complexes (dodécaphonie, sérialisme).
Wagner
va très loin avec sa conception de l’art total
(Gesamtkunstwerke) intégrant à l’opéra
toutes les ressources du théâtre et de la machinerie.
Mais aussi avec des principes de composition qui évoquent la
programmation objet : chaque personnage a ses caractéristiques
propres et notamment son thème musical.
La
progression touche aussi les instruments. Si les violons atteignent
très tôt la perfection, les autres vont beaucoup
évoluer.
L’arrivée de l’électronique offre un couple significatif de l’évolution vers le numérique : le Theremin est analogique de fond en comble, y compris la manière de s’en servir, alors que les Ondes Martenot, générées avec des circuits analogiques, s’utilisent avec un clavier, mais aussi de manière analogique : « le joueur, appelé ondiste, enfilait un anneau à l’un des doigts de sa main droite et le faisait glisser de part en part d’un ruban de métal, déclenchant des sons de hauteurs différentes. Des contrôles additionnels insérés dans un petit tiroir et manipulés par la main gauche permettaient de modifier le volume et l’intensité du son. » (http://fr.redbullmusicacademy.com/daily/2014/03/ondes-martenot-introduction)
Ces recherches analogiques se poursuivront bien après le miracle numérique, car l’ordinateur restera peu accessible aux musiciens jusqu’aux années 1980 ou au moins 1970, et l’on verra donc un Pierre Schaeffer inventer la musique concrète en 1948 et publier son Traité des objets musicaux en 1966.
En peinture, sculpture et
architecture, le numérique reste très à
l’arrière-plan, car on reste fidèle à
l’idéal de représentation de la nature, que ce
soit en trompe-l’œil pour les objets réels, ou par
analogie avec eux pour les objets religieux. On applique certes des
règles d’harmonie et de géométrie, mais on
reste flou, du genre « Il faut de la symétrie, mais
pas trop ». Même l’apport de la perspective
reste essentiellement géométrique et non numérique.
Certes, au niveau graphique, Gutenberg divise l’image en caractères amovibles. Et l’imprimerie, typographique ou de gravure (Durer) introduit déjà le concept de recopie sans erreur, dépassant utilement les variations involontaires (ou non) des copistes antiques ou médiévaux.
Mais, à partir de la fin du XIXeme siècle, la peinture, libérée de ses obligations figuratives par la photographie ou, si l’on préfère, bien obligée de se trouver d’autres débouchés, commence à innover, non pas directement dans le numérique, mais dans un de ses volets essentiels, la décomposition en éléments distincts, ici graphiques.
La
touche impressionniste, surtout chez Monet (Impressions, soleil
levant, 1872) fait éclater la traditionnelle continuité
des dégradés. Le pointillisme (Seurat, années
1880) creuse encore. Impossible d’aller plus loin dans cette
voie.
Alors, c’est la forme élémentaire
qui prend le relais de la touche. Cézanne déclare
« Tout dans la nature se modèle selon la sphère,
le cône et le cylindre.» (à Émile
Bernard dans son article « Paul Cézanne »,
publié dans la revue L’Occident, no
32, juillet 1904). Et Picasso casse tout avec les Demoiselles
d’Avignon en 1906, Horte de Puebla en 1909 et le
cubisme analytique de 1911. Mais, là aussi, le jeu doit
s’arrêter. Peut-être parce que les cubistes, sauf
Juan Gris, n’ont pas la culture scientifique nécessaire
pour en construire des fondements théoriques. Le Corbusier
persévérera un peu, mais se consacrera à
l’architecture.
Kandinsky et le Bauhaus chercheront quelque chose comme une syntaxe, l’esquisse d’une programmation. Mais Marcel Duchamp claquera la porte et décrétera la fin de la peinture. Le pixel et la modélisation numérique attendront encore un bon demi-siècle.
Cependant
les découpages en composants plus ou moins importants,
significatifs en eux-mêmes ou non (commente Bootz), inspirent
des innovations ou au moins des curiosités qui s’échelonnent
au fil des siècles et dans toutes les disciplines.
C’est
le cas des tirages au hasard. Déjà en 1461 Jean
Meschinot avait fait un rudimentaire tirage aléatoire de
phrases pour des Litanies de la Vierge. Vers 1650, Athanasius
Kircher réalise une « machine à composer »
sous forme d’un fichier de composants musicaux où l’on
choisit au hasard. Mozart, en 1787, composera de la musique en tirant
les dés.
Le cinéma naît grâce à une fragmentation de la continuité du temps en succession d’images. C’est d’abord le phénakitiscope de Plateau (1832), puis les expériences de Muybrige et Marey et enfin Edison (1893) et les frères Lumière (1895). Bergson (et Deleuze après lui) parleront d’ « illusion ». Mais les progrès des neurosciences (voir par exemple Petitot) montreront que la continuité de la nature, dans le temps comme dans l’espace, pourtant évidente pour notre intuition, ne nous est perceptible qu’à travers une série de fragmentations : cellules de la rétine, saccades de la vision, composition des deux images oculaires, transmission vers le cerveau par un système neuronal en partie numérique (trains d’impulsions) et enfin, complexe élaboration des images pour notre conscience aux niveaux spécialisés du cerveau.
Dans
les années 30, les surréalistes inventeront le
« cadavre exquis » et l’Oulipo créera
des poèmes, voire des scénarios, par des jeux de
tirages aléatoires assortis de protocoles élaborés.
L’art génératif y trouvera tout naturellement des
inspirations.
Certaines formes d’algorithmique
voire de programmation « manuelle » ou
mécanique se développent dans les années 1930
et, comme pour la musique, se prolongeront jusqu’aux années
1970. C’est par exemple le Graphomaton de Schillinger (un
muscien), des machines à dessiner Metamatic de Tinguely
(rustiques mais amusantes) ou des machines « cybernétiques »
de Pierre Schöffer, qui utilise des « programmateurs »
à cames.
En
musique, un calculateur analogique est produit en 1969, l’EMS
VCS3. L'électronique de ce synthétiseur a été
conçue par David
Cockerell, tandis que la conception du boîtier est due à
Tristram
Cary. De petite taille, il offre de grandes possibilités
de recherche sonore, grâce notamment à sa matrice
composée de petits cavaliers permettant de relier les modules
entre eux sans avoir recours à des câbles, et également
à son joystick.
Dépourvu de clavier à l'origine, l'appareil sert surtout à la création de bruitages et d'effets spéciaux. On peut toutefois lui adjoindre le clavier DK1 (1969 - The Cricklewood), puis le DK2 (1972 - version duophonique du DK1), et le clavier plat à touches sensitives, le KS (1972 - Keyboard Sequencer, intégré plus tard dans le couvercle du Synthi A pour former l'AKS), avec la difficulté d'obtenir des notes justes car les oscillateurs ne sont pas très stablesNotes 1. (voir les arrangements de Walter Carlos sur le clavier bien tempéré de JS Bach. )
(https://fr.wikipedia.org/wiki/EMS_VCS3). Information signalée par Didier Debons.
Nous verrons certains artistes passer du mode manuel au mode programmé… et continuer de créer jusque dans les années 2010. C’est le cas de Mohr, Molnar ou Le Parc.
Bootz Ph. : Les basiques de la littérature numérique. http://www.olats.org/livresetudes/basiques/litteraturenumerique/biographiePhBootz.php
Funck-Hellet
Ch. : Composition et nombre d’or dans les
oeuvres peintes de la Renaissance. Proportion, symétrie,
symbolisme. Editions Vincent Réal, 1950.
Petitot
J. : Neurogéométrie de la vision.
http://jeanpetitot.com/ArticlesPDF/Petitot_NGV_2008.pdf
Sartre
M. : Histoires grecques . Seuil
2006
Schaeffer : Traité
des objets musicaux. Seuil 1966.
Schillinger J. : The
Mathematical Basis Of The Arts.
Philosophical Library. 1943.
Vitruve : Les dix livres d’architecture Traduction du De Architectura par Claude Perrault sous le titre. en 1673.
Le 6 janvier 1947, James Tukey, un statisticien, invente le mot bit entant que binary digit (c’est lui aussi qui inventera le mot « software » pour ce que nous appelons logiciel). Le mot est repris par Shannon et Weaver dans leur article fondamental sur la théorie de l’information et de la communication, en 1948.
Von
Neumann en comprend tout de suite l’importance pour la
conception des calculateurs : « Nous sommes fortement
en faveur du système binaire, pour trois raisons
-
réalisation matérielle (précision, coûts),
-
plus grande simplicité et rapidité de l’exécution
des opérations (composant arithmétique)
- la
logique, un système oui-non, est fondamentalement binaire ;
par conséquent, une structure binaire contribue de manière
très significative à la production d’une machine
homogène, qui peut être mieux intégrée et
plus efficace. »
Nota : Ce texte est cosigné
par Arthur Burks, Herman Goldstine et John Von Neumann. Ils vise la
différence entre décimal et binaire. Mais je pense
légitime d’en élargir la portée.
C’est l’électronique, d’abord à lampes, puis à transistors, puis à circuits intégrés, qui a encouragé cette voie et qui va permettre d’en tirer tout le profit.
Coïncidence ?
Presque au même moment (publication le 25 avril 1953) Watson
et Crick nous apprennent qu’une composante essentielle de la
vie est un code à mots de six bits, l’ADN. Ainsi, il y
a quelque quatre milliards d’années, la Nature avait
franchi un seuil essentiel en se servant du binaire. Le premier
« miracle » ?
Mais cette conception est plutôt niée par les « philosophes » qui aiment mieux considérer la vie comme relevant d’un autre odre de choses que les machines, a fortiori des codes . Et cela n’aura pas de conséquences significatives pour l’art, en tous cas jusqu’à nos jours.
Le
bit est une limite ultime. On ne peut pas le décomposer en
sous-unités.
C’est donc le binaire qui constitue
le fond de ce qu’on appelle, assez improprement, « numérique »
ou « informatique » en français et
« digital » en anglais (voire souvent,
maintenant, « intelligence artificielle »).
Le binaire concentre ainsi les différentes composantes que nous avons vues se dégager au fil des siècles.
6.2.
Une coupure radicale et ses conséquences
La séparation radicale du signe et du sens, ou
plus précisément entre signifiant et signifié, a
été amorcée avec l’alphabétisation.
Elle atteint maintenant son niveau radicalement basique.
Le bit est un signe tout à fait spécifique. C’est un signe, au sens de mise en correspondance d’un signifiant et d’un signifié. Mais il les sépare radicalement. Cette coupure avait été amorcée avec l’invention de l’alphabet, mais une lettre est liée à un son (un phonème). Avec le bit, elle est absolue. Il peut faire correspondre n’importe quel signifié à n’importe quel signifiant, pourvu que les deux n’aient que deux valeurs.
Autrement dit, un bit n’a aucun sens par lui-même. Il ne prend sens que par association de plusieurs bits ou, si l’on préfère, par son contexte : mot, format du fichier, date et localisation, métadonnées…). Cette séparation radicale a été notée dès l’origine par Shannon.
Cette
séparation est une blessure, une coupure du cordon ombilical,
un sevrage. Et nous aurons toujours une certaine nostalgie de l’état
antérieur d’unité qu’elle a fait cesser :
nostalgie de l’analogique par rappport le digital, du continu
par rapport au discret, de l’intuitif par rapport au rationnel,
du qualitatif par rapport au quantitatif, du jardin d’Eden par
rapport au monde du travail et de la mort Adam et Eve ont mangé
le fruit de l’arbre binaire (le bien et le mal). Ils se
rassurent avec une innovation technologique (« Ils
cousirent des feuilles de figuier pour s’en faire des pagnes »,
une formule très technique qu’aucun n’artiste n’a
bien représentée). Mais il faudra quand même
quitter le paradis. (Gn. 3).
Mais, à ce prix, le binaire permet de considérables avancées.
6.2.2.
Toutes les technologies font l’affaire
Au
niveau des signifiants, pour représenter les bits, la
liberté est des plus large : position d’un bouton,
tension électrique, couleur, valeur 0 ou 1, vrai ou faux…
Le créateur, l’ingénieur en matériel et
le programmeur sont donc libres, et peuvent donc chosir
-
pour le matériel, les technologies les plus miniaturisées,
les plus rapides et bien entendu les moins chères ; tout
peut servir : niveau électrique bien sûr, mais
aussi tache de couleur, orientation magnétique, fréquence
en transmission… le bit est arrivé à point nommé
pour l’innovation technologique et pour le développement
exponentiel de la « loi » de Moore, qui restera
valable un demi-siècle à partir de sa formulation en
1965 (voir nos explications et notre tentative de généralisation
en loi historique dans diccan, un article dans l’Encyclopedia
Universalis, et la bibliographie de Christophe Lécuyer).
-
pour le logiciel, des codes plutôt simples ou complexes mais
efficaces dans certains domaines ; par exemple, les codes de
Huffman pour les caractères, et les différentes
techniques de compression pour la vidéo.
Ce volet
est en général masqué aux artistes, qui
n’accèdent aux bits qu’à travers des
matériels (ordinateur, instruments de musique… ) et
toute une couche de logiciels (des systèmes d’exploitation
aux logiciels d’application).
Les
bits peuvent représenter n’importe quoi, depuis les
caractères alphabétiques jusqu’aux enzymes (ADN),
et dans toute la gamme des puissances, jusqu’aux explosions
nucléaires.
Les signifiés peuvent être d’autres signes (caractères alphabétiques simples ou richement typographiques), des objets, des positions dans l’espace, des couleurs…. mais aussi des actions, depuis l’allumage d’une LED jusqu’à la distribution de billets et le déclenchement des armes à feu.
Les
signifiés peuvent aussi être des adresses, assurant
ainsi une liberté d’assemblage et de connexion
inaccessible aux dispositifs analogiques. Et, dans les réseaux
neuronaux, c’est le jeu des poids en entrée de chaque
neurone qui définit la structure.
Toutes
les formes d’art peuvent donc faire appel au numérique,
mais bien sûr ne représentent qu’une toute petite
partie de ces signifiés. Noter tout de même que la gamme
des énergies est large, depuis la simple présentation
d’un texte à l’écran jusqu’à
la conduite d’un feu d’artifice. Le début du
XXIeme siècle est notamment marqué par la présentation
d’œuvres à grande échelle (par exemple à
l’exposition Artistes et Robots du Grand Palais en
2018).
Le
tout binaire permet d’autonomiser le fonctionnement des
machines, œuvres d’art comprises quand cela convient,
autour d’un dispositif simple : l’horloge binaire.
Matériellement, c’est un simple oscillateur en général
à quartz. Fonctionnellement c’est la fonction récursive
de base f(t) = non(f(t).
Un
Jacques Perconte le dit clairement : une œuvre a sa propre
vie.
Ce fonctionnement suppose actuellement une source d’énergie extérieure, qui n’a pas à être fournie par l’utilisateur ou l’utilisation. Pour autant, les machines à basse consommation pourraient devenir autotrophes, puiser leur énergie directement dans la nature, de même que les plantes.
Jusque
là, une copie était toujours plus ou moins une
déformation de l’original. Certains domaines de l’art
disposaient déjà de bonnes techniques de reproduction :
moulages de statues, impression de gravures, tirages photographiques.
Pour protéger la « rareté » des
œuvres d’art, elles avaient déjà conduit à
limiter les tirages.
Le
binaire permet d’aller aussi loin qu’on veut (la
perfection n’est pas de ce monde, mais…) dans la
fidélité de reproduction, pour au moins deux
raisons :
- au niveau du bit, le seuillage des
signaux électriques pour la production de deux valeurs réduit
fortement les erreurs liées à de petites variations de
tensions (couleur, fréquence, etc.),
- au niveau
des groupes de bits, la fiabilité peut être augmentée
quasi indéfiniment, soit par simple redondance soit, beaucoup
mieux, par des codes auto-détecteurs et auto-correcteurs
d’erreurs ; à un niveau plus élevé,
les correcteurs orthographiques apportent d’autres garanties ;
enfin, les protocoles et les logiciels de tous types comportent des
dispositifs de vérification.
La
notion d’ « original », perd donc
beaucoup de son sens en art numérique. Tant pis pour les
belles théories de Walter Benjamin. Il reste aux artistes, et
aux acteurs du marché, à trouver d’autres
manières d’assurer la valeur économique de leurs
« pièces ».
Malgré
certaines spécialisations, malgré de temps en temps la
fascination (voire exceptionnellement la nécessité) de
machines spécialement adaptés à certains
domaines (industriel, militaire, par exemple), les ordinateurs sont
universel en principe comme en pratique. IBM le trompette par
exemple dans les années 1960 avec ses machines « 360 »
(degrés). Et tout utilisateur d’ordinateur utilise sa
machine aussi bien pour son travail créatif que pour son
courrier ou ses navigations sur Internet.
C’est
le cas en particulier des artistes. Un animateur vidéo comme
un compositeur de musique n’a besoin de rien d’autre pour
travailler que de son ordinateur portable. Et sous réserve
d’avoir les logiciels, le même ordinateur sert au
vidéaste comme au musicien. La spécialisation se fait
si nécessaire avec des périphériues spécialisés
(micros, caméras, enceintes, projecteurs, commandes
d’automatismes).
Cependant tous les arts de performance, depuis le chant jusqu’aux grands spectacles et aux parcs d’attraction, mettent en jeu le corps humain et ses spécificités. Ici, chaque exécution reste toujours « un original ».
Dès
le théâtre antique (voir par exemple Didierjean), ou la
liturgie médiévale, l’art a offert aux foules des
forme d’art total, associant image, musique, performance et
machinisme. Wagner poussa le jeu très loin, au point de faire
construire un théâtre spécifique à
Bayreuth.
Le
terme multimédia apparaît au début du XXe siècle
chez les surréalistes
et le mouvement Bauhaus
notamment (voir Wikipedia).
Le
numérique pousse naturellement au « transmédia »,
terme plus récent, et associé au « storytelling ».
Il s’agit de projets globaux, à forte composante
commerciale, développant un récit au travers de séries
télévisées à quoi l’on associe de
multiples produits dérivés. Nous en dissertons
longuement dans diccan. Très en vogue au début des
années 2010, l’énormité des
investissements qu’il suppose l’a fait un peu oublier.
Jenkins, un de ses théoriciens, en est revenu au terme plus
général de « convergence ».
C’est en quelque sorte, du point de vue de l’art, le
point Omega du « numérique ».
Mais ce totalitarisme de l’artiste immergeant le spectateur
dans un espace physique (local ou virtuel, visuel et sonore,
émotionnel … parfois très violent par
exemple chez Hentschlager) pourrait, si le spectateur le voulait
vraiment, se retourner. C’est le modèle « base
de données » du japonais Azuma : au lieu
d’accepter le « grand récit »,
c’est le destinataire final qui reconstruit son récit
particulier.
Trouvera-t-on
des artistes pour jouer ce jeu ? Qui sait…
Quelques
références
Azuma H. :
Otaku Japan’s Database Animals., Minnesota Universiy
Press 2009
Bell
G. and Newell A. : Computer
structures readings and examples.
McGraw Hill 1971.
Shannon C.D. :
A
Mathematical Theory of Communication.
http://math.harvard.edu/~ctm/home/text/others/shannon/entropy/entropy.pdf
Benjamin
W. : L'Œuvre d'art à l'époque de sa
reproductibilité technique. 1935
Berger P. : Une loi de croissance historique digitale (LHD). http://diccan.com/Berger/Moore.htm
Berger
P. : Transmedia.
http://diccan.com/Berger/Transmedia.html
Berger
P. : Hentschläger : l'art en recherche des limites de
l'acceptable.
http://diccan.com/Berger/Hentschlager.html
Didierjean I. :
Le théâtre grec.
http://jfbradu.free.fr/GRECEANTIQUE/GRECE%20CONTINENTALE/PAGES%20THEMATIQUE
Lécuyer
C. Bibliographie.
http://www.projets.upmc.fr/ashic/pages_perso/lecuyer/publis.html
Shannon
C. and Weaver W. :
The
Mathematical Theory of Communication.
University
of Illinois Press. 1963
Susskind J. :
Future Politics.
Oxford University Press, 2018.
Wikipedia :
Codes de Huffman.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Codage_de_Huffman
Wikipedia :
Multimedia .
https://fr.wikipedia.org/wiki/Multim%C3%A9dia
7.
L’apogée de l’art numérique
A
partir de ce noyau de l’implosion, le numérique va
pouvoir maintenant exploser en tous sens, et ne va pas s’en
priver. Et l’art ne sera pas le dernier à en exploiter
les possibilités.
En art, c’est à notre connaissance Albert Ducrocq qui en perçoit d’emblée la généralité et réalise, au début des années 1950, sa machine Calliope, un générateur aléatoire de bits. Il l’applique à la création de poèmes et, dans la foulée, propose les première images pixelisées que nous connaissions.
D’un point de vue plus
théorique, Abraham Moles y cherche les bases d’une
esthétique.
Sur
ces nouvelles bases, l’art numérique va pouvoir
exploser, et comme tout ce qui est numérique, se déployer
en exponentielles. Diccan, en octobre 2018, recense quelque 2600
artistes dans le monde, avec sensiblement un doublement des nouveaux
artistes toutes les décennies depuis 1970 (avec un léger
retard pour 1980).
Ce
n’est d’ailleurs qu’une goutte d’eau dans la
mer des artistes. En France seulement, l’Insee recense 300 000,
dont une bonne part de nécessiteux.
Nous
décrirons par ailleurs les développements dans chacune
des disciplines artistiques, qu’elles soient traditionnelles ou
nouvelles en tirant parti des caractéristiques du numérique,
notamment l’intégration des médias (mutimédia,
transmédia).
Mais,
à partir des années 2010, le miracle numérique
trouve ses limites en art. Pour différentes raisons :
-
les artistes ne renouvellent plus leurs concepts fondamentaux ;
ils refusent (je ne citerai pas de noms) d’entrer dans des
pistes nouvelles comme l’interaction (« c’est
mon œuvre, ce n’est pas un jeu ») ou la
tension narrative (« c’est la vie, ce n’est
pas une histoire »), voire le commentaire (« l’œuvre
doit parler par elle-même »).
- le marché
de l’art, malgré de beaux efforts, ne les reconnaît
pas vraiment ; peut-être en partie par l’impossibilité
de garantir à long terme la pérennité d’œuvres
construites non seulement sur des matériels relativement
fragiles mais sur des logiciels plus ou moins éphémères ;
d’ailleurs aucune galerie, même fortement engagée
(Charlot, Mordoch, Denise René, Waltman, DAM en Allemagne
notamment) , ne se réduit ou ne se définit comme
spécialiste de l’art numérique.
D’autre part Grégory Chatonsky, avec Olivier Alary et Jean-Pierre Balpe, lance en 2013 l’œuvre, ou l’événement « Capture ». Il s’agit au départ d’un générateur automatique de musique, mais rejoint par des générateurs d’image, de texte, d’impressions 3D etc. Le message est explicite : le marché de l’art est mort, car la productivité des machines excède largement la capacité de réception du public.
C’est particulièrement perceptible en 2018, où l’exposition annuelle Variation disparaît.
Chant
du cygne ? l’art numérique fait l’objet de
grandioses expositions essentiellement rétrospectives, qui
d’ailleurs prennent soin de se donner d’autres noms :
Coding the World au Centre Pompidou, Artistes et Robots au Grand
Palais.
Mais l’hiver 2018-2019 a vu quelques événements spectaculaires.
Quelques
références
Essentiellement
http://diccan.com.
Où l’on trouvera la liste commentée des 2500
artistes, des notices sur tous les termes importants, et un
calendrier des manifestations passées et à venir.
Mais
à noter :
Berger P. et Lioret A. : L’art
génératif. L’Harmattan 2012.
Chatonsky
G. Capture, Generative Netrock. Centre des arts d’Enghien,
2014.
Ducrocq A. : L’ère des robots.
Julliard 1953.
Hubac S. Préface du catalogue de
l’exposition Artistes et Robots, Grand Palais 2018.
Moulon D. : L’art au-delà du digital. Nouvelles éditions Scala, 2018.
Pour
l’art, comme pour le monde en général, il faut
espérer maintenant d’autres « miracles »,
disons « post-numérique ». Ce pourrait
être
- le téléphone portable,
omni-fonctions et omniprésent sur toute la Planète, à
tous les âges et dans tous les milieux
- l’intelligence
artificielle et la singularité, pour autant que ces concepts
soient autre chose qu’une invention commerciale du Gafa.
-
le calcul biologique (DNA computing), en partie conjugué avec
les technologies du silicium (cyborg)
- le calcul quantique
-
le génie génétique, avec le « designer
baby », la vie prolongée indéfiniment par
des restaurations cellulaires
- le calcul quantique….
P.S. L’art devrait jouer son rôle dans ces ruptures qui nous attendent, aussi bien dans notre vie privée que dans notre vie économique, sociale et politique. A l’heure où les grandes puissances politiques et le Gafa monopolisent la puissance, les artistes pourraient-ils s’engager pour aider l’individu, le citoyen ou le petit groupe à construire leur autonomie ? On n’ose trop y rêver. Les artistes sont centrés sur « leur moi profond », pas sur celui du spectateur, malgré les grands slogans des années 1970. Et les politiciens ne les attendent guère sur ce terrain. Même un lanceur d’alerte aussi positif que Jamie Susskind, dans son Future Politics (Oxford University Press 2018) ne dit pas un mot de l’art…
Lecture matinale, Le Monde daté du 29 janvier, citan Djokovic :
« Tous les athlètes veulent un jour se retrouver dans cette zone où tout se déroule sans effort, où l’exécution est quasi-automatique. C’est comme une force qui vous entraîne, vous envahit et vous vous sentez divin, dans une autre dimension. »
Je vais demander son avis à Roxame. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Il faut
s’automatiser pour que ça marche. Entraînement, et
tous les jours.
Et en même temps, une sorte de
transcendance.
Avec un cheval..
Dans l’amour
physique
Et la pixelisation , Albert Ducrocq, 1950’s
Pixelisation algorithmique. Bresenham.
Mohr
Mohr Plotter
Molnar
Vasarely
Schroeder
Hébert, et les algoristes
Tresset
Roxame
Le schéma de Galanter
L’art
cinétique. Galerie Denise René, vers 1960.
Tinguely,
Schoeffer
Piloter des actionneurs en liaison avec une musique. La fontaine
d’Agam à la Défense. Vu la date, la commande est
certainement électronique, mais pas numérique.
Toujours
plus fort en noir et blanc. Art génératif, années
2000
Algorithmique
du trait. Pourrait se faire à la main. Mohr ou Molnar, années
1970
On s’amuse avec l’imprimante mode caractères. Fin
des années 196O (Ou bien une machine à écrire ?
)
Juste joujou avec des formes. Alkwarel. 2007
Dentelle
On explore des espaces sonores inconnus
La prolifération des techniues conduit à d’énormes
tableaux de commande pour la musique ou le spectacle.
Le numérique permet de ramener les énormes tableaux de
boutons à des consoles économiques et maniables.
Jouer
de la musique autrement, l’Ircam
K-Danse
Tutus avec micros
Bret, danse avec moi.
Maison Vole
Jurassic Park
Oktapodi
Raiponce
Sandison River (Musée des arts premiers)
Perconte
Mocap pour Avatar
Zajega
Réseaux neuronaux pour danseuse animée. Michel Bret. Et
le cas échéant, conduite à partir d’un
violoncelle (Enghien, 2013C)
Génératif dans toute sa splendeur. Sam Base ?
( ???)
Exploiter la modélisation géométrique, en 3D, à
l’écran.
Jeffrey Shaw, The Legible City
Interaction et test du miroir. Un robot de Gaussier
Intégration de l’édition
Dessins animés de Robot. Les Japonais très robophiles.
Années 2000.
Gundam à Tokyo
Co-création en réseau. Olivier Auber. Vers 2005
Scénocosme
et Verlinde
Miniaturisation. Au service de l’émoitionnel externe.
Dans un berceau au Siggraph
Le robot critique et médiateur de musée. Borenstein.
2015
Capter les EEG. Les oreilles de Yan Minh bougent quand il pense.
Souffle et sable, Guillermet
Projection sur scène, combinaison avec la musique et les
danseurs.
Cartographier les émotions à partir du Web. Benayoun
Et en déduire des sculptures (impression 3D) . Benayoun. Une
sorte de transmédia
Grammaires
génératives pour grandes projections vidéo.
Miguel Chevalier.
Projection sur spectacle de cirque. Le Cirque du Soleil. Années
2010.
Spectacle, Dumbtype
Merzouki
Travail coopératif, organisation, workflow dans l’industrie
des jeux.
Multimédia
Transmedia
Multimédia et travail coopératif. Ici à AADN, un
fablab lyonnais.
Le numérique a toujours été très
modérément présent à la Fiac comme dans
l’ensmeble des salons d’art.
Pilotage
de musique collective par IA. Mal’s Copporim
Mestaoui. Le curieux qui passe, le pro qui sait.
Ecriture interactive
Musique
par EEG à l’Imal de Bruxelles
Kinect
Après l’urinoir, tout est permis.
Initiation à la tendresse avec le chien Aibo. 2010 ?
Expression, dessin animé japonais
Alain Le Boucher. L’astronomie surajoutée
Vers 1980 ?
Kill your Darling
Locative Media
Melbourne Australie
La contestation
La
constestation, les tactical media
La Gaité lyrique. Un haut lieu destiné à l’art
numérique. La Gaîté lyrique. Mais elle se
repliera sur le périscolaire. Vers 2013
Lozano-Hemmer à la Gaité lyrique
Idem,
le Cube. Encore courageux quand même (Rétrospective Le
Meur en 2018)
A la Maif
Médiation numérique
Jeux graphiques 3D, galerie Charlot
Un extrême de mécanique pilotée par ordinateur.
Fabien Chalon, 2016C
Une galerie qui soutient fort l’art numérique…
sans sey enfermer : la galerie Charlot, de Valérie
Hasson-Benillouche, puis secondée par Valentia Peri. A
partir de 2010
7.
L’apogée de l’art numérique
Nous décrirons par ailleurs les
développements dans chacune des disciplines artistiques,
qu’elles soient traditionnelles ou nouvelles en tirant parti
des caractéristiques du numérique, notamment
l’intégration des médias (mutimédia,
transmédia).
Mais,
à partir des années 2010, le miracle numérique
trouve ses limites en art. Pour différentes raisons :
-
les artistes ne renouvellent plus leurs concepts fondamentaux ;
ils refusent (je ne citerai pas de noms) d’entrer dans des
pistes nouvelles comme l’interaction (« c’est
mon œuvre, ce n’est pas un jeu ») ou la
tension narrative (« c’est la vie, ce n’est
pas une histoire »), voire le commentaire (« l’œuvre
doit parler par elle-même »).
- le marché
de l’art, malgré de beaux efforts, ne les reconnaît
pas vraiment ; peut-être en partie par l’impossibilit
de garantir à long terme la pérennité d’œuvres
construites non seulement sur des matériels relativement
fragiles mais sur des logiciels plus ou moins éphémères ;
d’ailleurs aucune galerie, même fortement engagée
(Charlot, Mordoch, notamment) , ne se réduit ou ne se définit
comme spécialiste de l’art numérique ;
D’autre part Grégory Chatonsky et quelques amis lancent en 2013 l’œuvre, ou l’événement « Capture ». Il s’agit au départ d’un générateur automatique de musique, mais rejoint par des générateurs d’image, de texte, d’impressions 3D etc. Le message est explicite : le marché de l’art est mort, car la productivité des machines excède largement la capacité de réception du public.
C’est particulièrement perceptible en 2018, où l’exposition annuelle Variation disparaît.
Chant du cygne sans doute, l’art numérique fait l’objet
de grandioses expositions essentiellement rétrospectives, qui
d’ailleurs prennent soin de se donner d’autres noms :
Coding the World au Centre Pompidou, Artistes et Robots au Grand
Palais.
Mais l’hiver 2018-2019 a vu plusieurs événements spectaculaires.
Une œuvre de Banksy se « suicide » au
moment même où elle était adjugée dans une
grande vente aux enchères.
Une œuvre générée par des techniques
avancées d’intelligence artificielle (GAN, Generative
Advsarial Networks) est adjugée 432 500 dollars chez
Christies.
Une voiture autonomie raconte sa vie (1 the Road).
Ces événements me laissent rêveur.
Pour
l’art, comme pour le monde en général, il faut
espérer maintenant d’autres « miracles »,
disons « post-numérique ». Ce pourrait
être
- le téléphone portable,
omni-fonctions et omni-présent sur toute la Planète, à
tous les âges et dans tous les milieux
- l’intelligence
artificielle et la singularité, pour autant que ces concepts
soient autre chose qu’une invention commerciale du Gafa.
-
le calcul biologique (DNA computing), en partie conjugué avec
les technologies du silicium (cyborg)
- le calcul quantique
-
le génie génétique, avec le « designer
baby », la vie prolongée indéfiniment par
des restaurations cellulaires
- le calcul quantique….
-
un dépassement de l’œuvre au profit d’un
dialogue créatif artiste/machine.
Pierre Berger
20
février 2019