Sommaire : Jean-Yves Gresser, Société française de terminologie | Actualité de la semaine | Théories et concepts | La recherche en pratique | Manifestations | Le livre de la semaine | Détente |
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Stic. De quoi parlons nous ? Comment en parler ? |
Ce mardi 13 mai, à l'Asti, en raison du conseil d'administration, pas déjeuner à (sinon pour les membres du CA, sous réserves). |
Asti-Hebdo : Responsable des sites Internet et de l'intranet d'Euler & Hermes après avoir été le stratège informatique de la Banque de France, vous êtes aussi un des fondateurs de la Société française de terminologie. Comment voyez-vous, de ce point de vue, la situation en informatique et plus généralement, en "Stic" ?
Jean-Yves Gresser : Le domaine est encore jeune, l'invention et l'innovation y sont permanentes. De nouveaux concepts apparaissent quasiment tous les jours. Il faut donc, en permanence, inventer un nouveau langage, de nouveaux termes.
Un terme est à la fois désignation (signe) et concept. Sans ces deux "faces", il ne peut fonctionner.
Combien de mots qui ne sont que des marques, des signes de pouvoir, quasi-vides de sens technique ? L'expression "Web services" en est un exemple frappant. De quoi s'agit-il en fait ? De "téléservices", fondés sur les techniques de l'Internet. La belle affaire, commerciale, car techniquement c'est du réchauffé. L'expression masque le vrai enjeu qui est stratégique, à savoir : la redistribution de la valeur entre fournisseurs des TIC et leurs clients, entre les différents acteurs d'une secteur économique. Enjeu rarement exprimé.
La rapidité des évolutions techniques met à l'épreuve les procédés d'enregistrement de la langue, ceux de l'Académie française ou même, ceux au moins dix fois plus rapides, des commissions de terminologie. Face à cette lenteur, le risque est d'adopter trop vite un mot, qui de plus est anglais, qui sera donc plus ou moins bien compris. Ceci nous ramène au premier danger, à la perte de sens et aux erreurs qui vont en résulter.
Dans son domaine, l'informaticien doit donc répondre à un double défi : ne pas être dupe des faux concepts et pouvoir assimiler à temps les vraies innovations.
Mais son premier défi est ailleurs : il doit comprendre le langage des différents métiers de l'entreprise, être un facilitateur de la communication interne ou externe entre les différents acteurs, clients, partenaires, commerciaux, financiers etc. et rendre ce langage compréhensible aux machines.
Hebdo : La terminologie peut-elle aider concrètement les professionnels, enseignants et chercheurs de nos disciplines ?
J.-Y.G. : La terminologie c'est la cartographie des langues. Elle se matérialise par des dictionnaires, des glossaires, des thésaurus, des répertoires... Le fait terminologique remonte, pour le français, au dictionnaire de Robert Estienne (1539), au Trésor de la langue française de Robert Nicot (1606). Il passe par l'Encyclopédie et accompagne l'invention de la chimie moderne. Mais le mot "terminologie" n'a commencé à être utilisé qu'à la fin du XVIIIe en Allemagne, au début du XIXe en France.
La communication efficace dans un "domaine d'activités ou de connaissances" passe par l'utilisation de dictionnaires... de normes. Au fait, ne parle-t-on pas depuis longtemps de "dictionnaire" de données? Que seraient Edifact ou XML sans leurs répertoires normés ?
Cartographie mais ce n'est pas tout. La terminologie a évolué de l'inventaire des termes à l'étude de "l'invention de la langue" (titre de la thèse de Loïc Depecker (LD) , titulaire de la chaire de terminologie à la Sorbonne nouvelle). Elle est devenue l'auxiliaire de la formation et de la structuration des termes. Auxiliaire particulièrement utile dans un domaine nouveau.
Mais il serait dangereux de réduire la terminologie à un aspect instrumental. D'un côté, elle est le lieu de réflexions fondamentales sur le rapport de la langue au réel, à travers la trilogie signe, concept, objet (voir Entre signe et concept, Eléments de terminologie générale LD). Le Cours de linguistique générale, de De Saussure, dont la réédition de 1972 chez Payot est chère à beaucoup d'informaticiens, y retrouve une nouvelle jeunesse. La terminologie est au carrefour de la comparaison des langues, de leur histoire, de l'histoire des sciences , de l'épistémologie, de la psychologie, de la sociologie... sans oublier la logique qui nous ramènent aux notions communes entre langues naturelles et langages formels.
Hebdo : On parle aussi d'ontologie... Est-ce en rapport avec la terminologie ?
J.-Y.G. : Ontologie : le terme ici n'est pas celui de la philosophie (l'être en tant qu'être). En terminologie, il désigne une forme de relation entre concepts. Ceci mérite un court développement.
On distingue, en terminologie, champ conceptuel (concepts d'un champ d'expérience) et champ terminologique (désignations correspondant à un champ conceptuel). Un champ terminologique ne correspond pas forcément à un champ conceptuel. Cela est bien connu lorsque l'on passe d'une langue à l'autre : "informatique" correspond tantôt à "information technology" ou à "information science".
Dans un champ d'expérience les concepts sont en relation soit logiques, soit ontologiques. Ces dernières reflètent les rapports (continuité, partition, association...) des objets auxquels renvoient les concepts.
La rationalité de la démarche ontologique est d'aller de l'objet au concept. Dans la pratique elle partira de textes, de récits d'expérience, de nomenclatures (voir les travaux de Christophe Roche, à l'université de Chambéry). Cette démarche permet de construire des arborescences conceptuelles à partir des traits distinctifs des objets et non pas à partir des traits morphologiques (lexicaux, syntaxiques...) des désignations, des mots.
D'une certaine manière, la démarche ontologique prolonge, complète la démarche sémantique.
Un des avantages des ontologies, élaborées formellement, c'est de faciliter le traitement automatique de langues et la structuration des connaissances ou des savoirs. Comme souvent quand on automatise une activité, d'ailleurs, on fait apparaître des lacunes. On s'aperçoit que toutes les notions ne sont pas nommées, même dans des champs relativement connus. La description du corps humain, par exemple, n'a pas de mot pour désigner la partie qui va de la pointe du menton à la gorge.
L'ontologie fait percevoir le danger de confondre le terme avec le concept qu'il recouvre. Et même celui de confondre concept et objet.
Il ne suffit pas de nommer quelque chose pour lui donner une valeur opératoire. Nombre de conceptions de bases de données se sont effondrées à la seconde version parce qu'on y avait on confondu objet et propriété. Se tromper "d'objet" (au sens programmatique) peut conduire au blocage, à l'échec.
(Plus généralement, la création des mots dans des domaines nouveaux comme les nôtres oblige à emprunter des mots, sinon des concepts, à des domaines voisins. On recourt aux métaphores, souvent de manière implicite. Par exemple la métaphore essentielle à la systémique est celle du robinet et de la baignoire, ou plus généralement de l'usine. Et l'on parle de système d'information comme de flux d'information. Cette métaphore est réductrice. Et tout particulièrement aujourd'hui, où c'est la relation qui devient importante. Ce qui compte, actuellement, ce n'est pas le traitement de l'information dans des boites noires, c'est la mise en relation des systèmes et des personnes. Il faut passer à la métaphore du marché, malgré les échecs des marchés électroniques.)
Hebdo : La terminologie semble pourtant assez secondaire, les débats de vocabulaire, la francisation des mots américains fait parfois sourire...
J.-Y.G. : Dans notre vie professionnelle et sociale, la langue est l'un des médias privilégiés de la communication. Depuis l'aube des temps humains, elle est instrument de pouvoir. Je trouve affligeant que la linguistique ne fasse pas partie du cursus des professions commerciales ou de celui de l'ingénieur.
Heureusement, la technicité grandissante des activités pousse à revenir sur ces thèmes, et l'on voit croître et embellir, dans les entreprises ou les organismes professionnels, l'activité de création de glossaires et de dictionnaires spécialisés, tant à l'intérieur d'une langue que pour la traduction. Le multilinguisme répond à une double besoin de diffusion et d'assimilation des connaissances au niveau mondial, régional ou local.
Les universités ne sont pas en reste. Et les individus qui veulent faire ou font leur dictionnaire ou leur glossaire sont plus nombreux qu'on ne le pense.
Dans cette optique, la Société française de terminologie (SFT) a pour ambition de se constituer en carrefour d'échanges et en facilitateur. Non pour se substituer aux personnes et aux associations qui y sont déjà engagées (comme l'Asti, par exemple, avec son répertoire), mais pour jouer un rôle fédérateur et, parfois, catalyseur : nous voudrions notamment offrir des outils, des instruments pour leur permettre de communiquer entre eux, de mieux faire connaître leurs travaux. Au cours de la journée du 15 mai, nous en présenterons un premier panorama. Déjà, la SFT dispose d'un site web (http://www.laterminologie.net) et elle est affiliée aux autres réseaux ou sites de la francophonie et de la terminologie.
Hebdo : Que conseillez-vous aux membres de l'Asti ?
J.-Y.G. : D'abord ne vous laissez pas abuser par le jargon technique (ou commercial) et par la dernière mode.
Un exemple : bien sûr il faut passer à XML (nous avons été chez Euler & Hermes, les premiers à y venir à la faveur du commerce électronique). Mais, plus important que le changement de plate-forme technique, c'est la mise en relation qui reste l'essentiel. Celle-ci repose nécessairement sur des "codes" communs. Claude Chiaramonti (ancien délégué général d'Edifrance) a raison de dire que les meilleurs sont ceux des (vieux ?) répertoires d'Edifact. Pourquoi dans ce domaine réinventer ce qui a déjà pris des années ?
Enseignants, chercheurs, ingénieurs vous parlez, vous écrivez, vous inventez des mots. Vous êtes des terminologues :
Nous vous donnerons les moyens de le faire à la journée Asti du 15 mai.
Le RNTL (Réseau national des technologies logicielles) organise, en coopération avec l'Asti, les deuxièmes journées "Workshop partenariat et transfert technologique". Elles se tiendront les 23 et 24 octobre à Toulouse, dans le cadre du Sitef.
Ces journées font suite à la précédente rencontre, qui s'est tenue à la Cité des sciences (Paris-La Villette) en avril 2001. Les organisateurs souhaitent, pendant ces journées, populariser ses diverses initiatives, notamment les projets labellisés lors des appels à propositions des années antérieures et promouvoir les partenariats technologiques.
L'objectif du workshop est de permettre aux différentes équipes travaillant sur des projets labellisés en 2000 et en 2001 et ayant déjà, obtenu des résultats substantiels de les présenter à une large audience. Afin de donner un cadre commun de présentation, les soumissions devront être organisées autour du thème des journées.
Tous les projets ayant suffisamment progressé dans leurs travaux sont invités à envoyer une soumission. Celles qui seront jugées les plus significatives du point de vue du thème des journées se verront accorder un espace de publication supérieur, et seront sélectionnées pour présentation. Un espace pour des posters et des démonstrations sera disponible, notamment pour les soumissions qui nauront pas pu être retenues.
Relevons quelques thèmes (liste non limitative) pour orienter les auteurs :
Les journées sont organisées par un comité remplissant à la fois les rôles de comité d'organisation et de programme, et composé comme suit : Abderrahmane Aggoun (Cosytec, Asti), Michel Bidoit (LSV-CNRS, ENS Cachan, Bureau exécutif RNTL), Jean-Luc Dormoy (EDF R&D, Bureau exécutif RNTL), François Fages (Inria, Asti), Juliette Mattioli (Thales Research & Technology, Asti), Jean-François Trichard, secrétaire général du RNTL.
Dates-clés :
Toutes les soumissions électroniques doivent être envoyées à Jean-François Trichard. Les formats PDF et RTF sont fortement conseillés.
Du geste à la parole... ou plutôt, du geste à la machine ... les Lecture notes de Springer publient les actes (textes révisés) d'un colloque tenu à Londres en avril 2001 sur le thème "Gesture and Sign Languages in Human-Computer Interaction". La publication a été dirigée par I. Wachsmuth, T. Sowa. Bien entendu, pour accéder au texte complet, il ne suffit pas de faire signe au webmestre...
La Diffusion Paris 7 signale plusieurs mises en ligne de documents sur l'enseignement et la recherche au niveau international:
Du 19 au 21 juin, un colloque franco-québecquois intitulé "Du livre à Internet, quelles universités" se tiendra à l'université Paris-Jussieu. Programme et renseignements (à télécharger en PDF).
Au cas où vous auriez échappé à notre promotion de la journée Asti du 15 mai, rappelons que vous en trouverez le programme et les documents d'inscription en sur notre site. Il n'est pas trop tard pour vous inscrire !
Faire du bruit sur Internet, c'est bien. Faire du son, c'est mieux. Belá Loto vous y convie avec son livre "Le son sur le web", qui vient de paraître chez Dunod. Au sommaire : la nature du son, le son numérique, le compression, comment optimiser,.. puis une série de présentation de normes ou produits : navigateurs, Midi, RealAudio, QuickTime, Windows Media, Liquid, MP3, Beatnik et Koan, Flash, GoLive et Dremweaver, Director. On conclut sur un chapitre juridique.
Rappelons que Campus Press a récemment publié "La norme Midi", de Rob Young.
Notre confrère Transfert, malgré ses difficultés, continue de paraître en ligne. Et ne perd pas son sens de l'humour en notant que, parmi les 27 membres du nouveau gouvernement français, quatre seulement disposent d'un site web !