Seigneur, avant toute autre parole, je reconnais qu'il n'est pas possible que je t'enferme dans un système. Ni toi, ni ta parole, ni ton Eglise. Tu as presqu'autant maudit les intellectuels que les riches. Et Paul insiste: le sagesse de Dieu est folie pour les hommes.
Mais, à condition de garder l'esprit de pauvreté, tu nous a dit aussi de faire fructifier nos talents, et de tout mettre au service de ta gloire. Permets-moi alors de mettre à tes pieds quelques fleurs de systémique.
Au coeur du domaine théologique, comme la philosophie, est transcendant à toute structuration.
Dans l'extase, comme dans le dévouement radical aux frères, l'union avec toi est une. Foi, espérance et charité. Pensée, action. Et tout engagement dans une doctrine ou dans une oeuvre devra être remise en cause.
Mais une différence fondamentale isole la théologie: Dieu s'est incarné. Il s'est engagé dans des paroles et des actes bien déterminés, historiques, géographiquement situés.
Cela choque le philosophie, et le sens commun. Croire en Dieu, passe encore. Mais qu'un homme soit Dieu ! Qu'il faille passer par une Eglise pour le rencontrer ! Aimer son prochain, bien sûr. Mais pourquoi des commandements, au delà des deux premiers ?
Au caractère pour le moins "mystérieux" d'uneincarnation impensable, que l'Eglise nous re-présente quotidiennement dans l'eucharistie, s'ajoute la difficulté, pour une réflexion transcendante, de devoir désormais respecter des structurations concrétisées.
Certes, le théologien peut-il toujours remettre en cause les interprétations de l'Evangile ou des textes conciliaires. Mais s'il veut rester chrétien, il doit accepter ces paroles prononcées il y a deux mille ans, ces actes posés dans la Palestine de l'empire romain. S'il est catholique, il doit en outre accepter un Credo, en permanence réaffirmé et réactualisé par les autorités de son Eglise.
Certes, le moraliste ou l'homme d'action peut-il toujours revendiquer les droits de sa conscience devant les situations. Et Dieu sait, du haut de sa croix, si l'on est parvenu à lui en faire dire, à son décalogue, aux commandements de son Eglise... comme Pascal l'a reproché aux Jésuites du XVIIeme siècle. Il reste qu'on ne peut pas se dire catholique et ne pas prendre en considération une encyclique comme Humanae Vitae, même si l'on a tendance à la juger dramatiquement dépassée.. quitte à "s'arranger" avec la vieille hypocrisie qui réconcilie vaille que vaille la transcendance avec le concret.
Un "système chrétien" ne pourra donc jamais partir de bases toutes neuves, axiomatiques. Il s'appuiera toujours, ou butera toujours, sur le donné révélé. Et il ne pourra finalement jamais se prétendre système total, car il est centré sur la personne d'un homme, au delà de toute interprétation définitive, sur la vie d'une Eglise qui peut déjouer toute prévision.
Ce n'est pas qu'au fil des siècles les tentatives aient manqué de construire un système chrétien moniste, en particulier avec l'empire romain de Constantin, de Charlemagne, et Maurras encore... Ces monismes nous choquent aujourd'hui. Encore que certains rêvent parfois d'un monisme gauchisant au sein d'une Eglise un peu marxisée.
Mais ces monismes chrétiens, sauf de courtes périodes de césaro-papisme, ont toujours de fait été source d'un pluralisme des pouvoirs politiques. Sur le plan intellectuel, la question fut moins nette jusqu'aux époques modernes. En partie pour des raisons historiques: les clercs se trouvaient, à l'issue du moyen-âge, être de fait les seuls dépositaires de tous les savoirs. En partie pour des raisons de psychologie cognitive: si déjà la séparation des pouvoirs est difficile à admettre, tant elle paraît irrationnelle en première analyse (c'est une insuffisance de contrôle, au sens de Lesourne), combien plus est difficile à assumer le fait qu'il puisse y avoir "plusieurs vérités". La "science" a permis et exigé ce progrès, avec la distinction d'un domaine "exact" et d'un autre "littéraire". Le "métaphysique" est tenu à distance, mais dans le même temps, il tient les fermetures scientifiques à distance elles aussi, et préserve sa validité, philosophie transcendantale et foi.
Cette distinction n'a pas résolu tous les problèmes. Scientifiques et philosophes continuent de se livrer des combats de frontières, et l'Eglise a souvent réaffirmé ses positions sur des points essentiels qui ne sont pas indifférents à la science (monogénisme, avortement...).
En son sein même, la théologie restera toujours un peu écartelée entre les exigences de la raison, transcendante à toute structuration, les paroles bien définies, et définitivement écrites, du Credo et plus généralement du dogme. Souvent, la croix se dresse à des carrefours qui sembleraient à première vue sans importance, et fissure tout l'édifice. Du moins le remet-elle à sa place, comme l'Immaculée Conception pour le thomisme, dont elle conteste la théorie du libre arbitre.
Il faut donc renoncer, malgré toutes les tentations, malgré les espoirs que peut faire naître telle ou telle avancée intellectuelle, à construire un système chrétien complet, et a fortiori définitif. Au coeur de la réflexion théologique comme de la vie chrétienne toute entière, se dresse la croix où Jésus meurt avec nous et pour nous. Quant à savoir s'il y aura dans l'au-delà des structures parfaites qui nous safisferont pleinement, la réponse ne peut être que nuancée sinon paradoxale.
D'une part, cet au delà nous est radicalement inaccessible et incompréhensible: "L'oeil de l'homme n'a jamais vu, et son oreille n'a jamais entendu les merveilles que Dieu a préparées pour ceux qu'il aime".
Nous verrons Dieu face à face, dans toute sa richesse et sa variété, mais aussi dans une transcendance qui dépasse radicalement les structures présentes de notre entendement.
D'autre part le paradis chrétien n'a jamais été un nirvana excluant toute structure. La vie éternelle est celle de chacun pris en lui-même, ce qui implique une multiplicité décrite par exemple dans l'Apocalypse. Et on ne voit pas comment le christianisme pourrait être personnaliste à moindres frais. Individualité et communauté, redisons-nous chaque semaine en affirmant notre croyance à la "communion des saints". Plus nettement encore, nous croyons à la résurrection de la chair, et pas seulement à l'immortalité de l'âme. Il y aura donc des "corps glorieux", dont la nature nous échappe, mais qui impliquent une forme quelconque de structure. Le moyen-âge s'est passionné pour la question, et la Somme Théologique y consacre nombre de pages. Nous avons plus qu'eux peur du ridicule.
Mais, pour renoncer à un système global, pourquoi ne pas essayer de comprendre certains domaines de notre foi à la lueur de la systémique ? Parmi bien d'autres possibles, suivons quelques chemins.
Au commencement, l'alliance est sans problèmes. L'esprit de Dieu plane sur les eaux, Dieu visite le jardin... où il a lui-même placé un seuil (moral). Déjà, sans doute, l'homme est mortel, mais la mort peut n'être qu'un paisible passage dans un au-delà indispensable à la plénitude de notre épanouissement.
Pour l'alliance, le thème de la croissance est présent dès l'origine. Adam, Noé, Abraham, les apôtres, nous-mêmes dans la lettre de Paul VI sur l'évangélisation, avons l'honneur et la responsabilité d'étendre le royaume de Dieu jusqu'aux extrémités de la Terre.
Mais la montée ne va pas se faire sans difficulté. L'alliance illustre fortement le principe des seuils. Adam et Eve pêchent. Brisure de la naïveté. L'homme choisit de s'opposer pour se poser. Il se ferme sur lui-même et s'habille. Feuille de figuier d'abord, sur le sexe, précisément ce germe de relation. La décadence de l'humanité culmine au temps de Noé. Dieu va tout détruire, sauf le patriarche et sa famille et, par lui, toute la création, symbolisée par les couples d'animaux.
Au fil des siècles, et des crises, l'alliance grandit, comme un système. D'abord une montée progressive de la loi. Un décalogue, puis des codes, puis toute une exégèse. Parallèlement, une montée du royaume d'Israël, avec le sommet de David, de Salomon, autour du temple de Jérusalem.
Mais cette grande cohérence théocratique ne pourra pas durer. Israël s'égare dans une politique sans issue d'accords, tantôt avec l'Egypte, tantôt avec la Mésopotamie. Et l'alliance va maintenant se spiritualiser. Humainement, le système se réduit à peu de chose, au temps de Jésus. Une petite colonie romaine, un culte farouchement fermé... et la persécution qui a fait répandre les juifs dans tout l'empire (diaspora), migrants peu considérés.
C'est le moment que Dieu choisit pour accomplir la promesse de l'alliance. Accomplir dans la transcendance. Loi, royaume... Jésus assume tout, mais sous une lumière nouvelle que les apôtres ne comprendront pas avant la Pentecôte.
Pardonne-moi, Seigneur, de jouer si facilement sur la signification graphique de ce bois ou tu as souffert. Mais ta croix, et sans doute l'as tu voulu, est symbole magnifique de ce moment où l'ancienne chosification de ton alliance, totalement détruite humainement puisque tu dis toi-même "Pourquoi m'as tu abandonné" est réduite à un pur champ de forces, qui va maintenant se re-constituer dans ton Eglise.
L'Alliance est avec toi devenue homme. Tu as accompli, une fois pour toutes et à la perfection, le principe d'humanisation que j'ai décrit dans ce livre.
C'est toi qui es la vérité et la vie. En l'incarnant dans ta chair, tu lui as donné une énorme liberté. A la fois par la certitude de pérennité infinie: les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle, et dans cette variété ouverte à tous, à toute la vie jusqu'à ses actes les plus humbles, à tous les hommes, même et surtout et avant tout les plus petits, les plus pauvres, les plus misérables, et à toutes les Nations.
Mais tu nous as laissés dans le monde, et à nouveau nous reconstruisons ton alliance dans ton Eglise. Nouveau système, de bien autres dimensions que le royaume d'Israël. Elle va grandir au fil des siècles, à partir du petit royaume de la Pentecôté.
Alliance spiritualisée, car tu nous as bien dit que ton royaume n'est pas de ce monde, et que ta présence ne serait plus parmi nous que spirituelle: "Il est bon pour vous que je m'en aille".
Maintenant, l'Eglise doit grandir jusqu'à ton ultime retour, à la fin des temps. Cependant, c'est encore à travers des seuils que l'Eglise va monter. D'abord la montée sous l'empire romain, qui s'achève avec le cataclysme, sociologique et démographique, du déferlement barbare. Après la grande remontée médiévale, les cathédrales et les sommes théologiques des XIIeme-XIIIeme siècles, le système Eglise va être agité par les séïsmes intellectuels et politiques de la Renaissance et du monde moderne. Nous en vivons, un séïsme, passablement puissant aujourd'hui, que l'on pourrait sommairement décrire comme une remise en cause du système hiérarchique et une recherche, dans l'Eglise comme dans les sociétés de tous types, par une recherche de participation et d'autogestion (J'ai écrit cela vers 70-75).
Ici encore, la situation de l'Eglise se distingue de celle d'autres sociétés par le caractère historique de sa fondation et l'existence de structurations qui ne peuvent découler de la raison pure, ni des meilleures théories de l'organisation. Faut-il, par exemple, faire entrer des femmes dans l'ordre sacerdotal ? On ne peut répondre par des arguments techniques ou humanistes. Il faut aller aux sources profondes de la tradition... et la recherche n'est pas aisée si l'on ne veut pas se contenter de quelques évidences, comme le fait que les douze apôtres étaient des hommes.
Au fil des crises, l'alliance se purifie de son contenu matériel. Les "bénédictions" des patriarches bibliques se traduisaient en "biens" concrets. Quelques prophètes (psaumes du Serviteur) et de pieux israëlites, le "petit troupeau" s'élèveront plus haut.
Jésus sera définit sur ce point, mettant les pauvres au premier rang des bienheureux, refusant d'avance des hiérarchies précises dans son royaume, et s'exténuant à expliquer aux apôtres qu'il n'est pas le messie politique qu'ils attendaient.
Même après la Pentecôte, le message tendra oujours à se solidifier, à se cristalliser, à se fossiliser. Pendant des siècles, il semblera impossible d'assurer la sécurité des papes sans qu'ils disposent d'un Etat. Aujourd'hui, tout le monde pense que ce n'est plus nécessaire, ni même souhaitable, à l'exception d'une parcelle symbolique, et encore.
Mais on ne peut pas aller jusqu'à un message d'union totalement déstructuré. L'Eglise ne peut que condamner une morale "de situation", laissant à chacun la responsabilité complète de la manière dont l'amour doit s'incarner. Si le concept de "loi naturelle" s'est avéré plus contestable et d'ailleurs plus ambigu qu'on ne pensait, il reste que Jésus a parlé, que l'Eglise poursuit sa tradition et a le devoir... de dire ce qu'elle estime être le devoir de chacun, au moins sur quelques points fondamentaux. Ce qui ne va pas sans difficultés sur certains points cruciaux, qui peuvent varier d'une époque à l'autre (exigences sociales au début du siècle, exigences de chasteté ou refus de l'avortement aujourd'hui...) mais aussi conduit à ces "commandements de l'Eglise" qui concernent la participation des chrétiens à la vie de l'Eglise en tant que corps social et notamment à la vie sacramentelle, expression physique de l'alliance dans le Nouveau Testament.
Dieu, un système ? C'est presqu'un blasphème de poser même la question. D'ailleurs, aux deux traits essentiels des systèmes, dimensions et structures, Dieu répond par des négations. Ses dimensions infinies, c'est à dire définies par un "au delà" toujours renouvelé, qui ne permettra guère une dynamique des seuils ni même une évolution quelconque.
Quant à parler de structure, Saint-Thomas nous rappelle au début de la Somme Théologique que "de Dieu nous ne pouvons savoir que ce qu'il n'est pas". Cela ne pourrait alors conduire, par structuration de la théologie come discours (ou comme discipline), à une structuration des négations (théologie apophatique).
Mais nous pouvons affirmer aussi, puisque Dieu s'est révélé à nous. Et, pour un chrétien, Dieu n'est pas principalement le terme abstrait de chaînes causales ou de degrés d'être. Il est Trinité. Nous le disons chaque dimanche au Credo, avec ces trois personnes bien distinctes et bien vivantes, entre lesquelles s'établissent des relations complexes, d'ailleurs souvent bien éloignées des concepts du XXeme siècle: ("de même nature", "consubstantiel", "qui procède du
Père et du Fils"... du moins cette double procession (ex utroque), qui fit battre nos pères, nous préserve-t-elle d'une hiérarchisation simpliste où le Père aurait deux "subalternes", par exemple.
Certes, l'Eglise n'encourage que médiocrement la spéculation sur la Trinité. Mais elle recommande une prière différenciée: on ne parle par au Père comme au Fils... Cette structuration n'est donc pas un accessoire facultatif. D'ailleurs, n'est-elle pas une inspiration merveilleuse pour notre contemplation et notre vie de charité: Dieu, essentiellement amour, n'est pas une individualité hautaine et narcissique, mais une communauté!
Dieu n'est pas un système fermé. Certes, il est transcendant à toute créature mais, dans le même temps, il est créateur et il aime sa création jusqu'à s'en faire le rédempteur.
Enfin, s'il ne peut y avoir de dynamique temporelle de Dieu, il y a une histoire et une évolution (j'allais dire un évolutionnisme) de l'image que nous en formons. Ne nous étendons pas sur cette évidence, qui es le versant cognitif de l'alliance. Du contact indifférencié d'Adam et Eve aux constructions théologiques du Moyen-Age, du scandale de la croix dramatiquement vécu par les apôtres aux théories de la "mort de Dieu", du mystique seul en apparence au militant presque totalement immergé dans l'action... il y a toute une dynamique, au niveau de l'individu comme de l'humanité, de l'ontogènèse du saint comme de la phylogénèse de l'Eglise, toute une dynamique de la connaissance de Dieu.
Dynamique naturelle. Comme on dit un peu méchamment, Dieu a fait l'homme à son image et l'homme le lui a bien rendu. Dynamique secouée par la grâce. Par le venue de Jésus dans l'Histoire, par certaines rencontres privilégiées pour chacun.
Dynamique qui conduit à la mort. La mienne et la fin du monde. Au delà, nous connaîtrons Dieu face à face, après avoir été purifiés "comme à travers le feu".
C'est progressivement, et par seuils, que le chrétien se construit, de pari avec sa montée humaine. Foi sentimentale de l'enfant, crise de l'adolescence, foi pensée et réfléchie de l'adulte qui s'engage dans des responsabilités précises au service de l'Eglise et de ses frères. Foi et amour du vieillard dans les passivités quelquefois douloureuses de la sénilité, avant le grand saut vers la plénitude de l'au-delà.
Quant on écrit ces choses à 50 ans, on met des noms, des prénoms, des visages, derrière toutes ces phases aux dénominations abstraites.
Mais nature et surnature ne vont pas toujours du même pas. Tantôt l'humanité parvient à grandir sans la présence apparente de la grâce ni de l'Eglise. Combien de fois le chrétien n'admire-t-il pas l'équilibre, le dévouement, la sainteté même de l'incroyant. Tantôt la gra^ce choisir pour ses manifestations les plus puissances une nature débile sinon malade. Bernadette Soubirous, Thérèse Martin... Teilhard de Chardin organise son "milieu divin" sur cette opposition activité/passivité. L'Evangile revient constamment sur cette opposition dramatique. Oui, le chrétien est l'homme achevé, mais au prix d'un dépassement radical.
Folie et scandale de la croix. Malheur au riche. Si le grain ne meurt. Mon royaume n'est pas de ce monde.
Ainsi pourrait-on dire que le propre du christianisme est de remettre en cause tout système, tout engagement, toute incarnation. Avoir comme si on n'avait pas. Le chrétien ne s'installe jamais, il n'a pas une pierre où reposer sa tête. Du moins ne devrait-il jamais s'installer. Le philosophe non plus, qui doit toujours réaffirmer la transcendance. Mais, sans la révélation, cette affirmation reste essentiellement négative.
Seuil, mais aussi fermeture. Le chrétien ne quitte pas le monde, mais il s'en libère et, dans une certaine mesure, il en est séparé. Par la consécration du baptème, par la "sainteté" qui, étymologiquement, exprime cette rupture, par la conscience de Dieu, du Christ, qui vit au plus profond de lui-même. Il prie, souvent, dans le recueillement et la solitude, monastique à la limite. La lévitation exprime parfois physiquement cette séparation, bien plus importante sur le plan moral, par le renoncement quotidien aux " attachements" trop humains.
Homme intérieur, oui, mais qui n'est vraiment chrétien que par un rayonnement d'autant plus intense vers ses frères. Tu aimeras ton dieu... mais le second commandement lui est semblable. L'expression même de cet amour, la "charité" au sens un peu étroit, tendra elle aussi, au fil du temps, à suivre une dialectique structuration/déstructuration.
L'amour de l'autre s'exprime en des paroles et des actes qui tendent au fil du temps à se structurer:
- dans des attitudes de générosité, voire des habitudes, qui peuvent devenir des routines;
- chez "le prochain", dans la reconnaissance, la confiance, puis la participation... mais aussi dans une aliénation ou une dépendance de plus en plus déshumanisée;
- dans les "oeuvres extérieures", avec leurs règles, leur budget, leur appareil, leurs bâtiments, leurs chapelles, qui apportent ampleur et fiabilité là où la générosité individuelle et plus ou moins sporadique ne suffit plus. Mais ces institutions perdent souvent la spontanéité qui les fit naître, et le caractère personnel indispensable à la relation d'amour.
Aussi vient le moment où ces structures doivent être dépassées. Renoncement aux habitudes, à certaines relations.
Si le grain ne meurt... c'est sans doute ce que le systèmicien retiendra comme essentiel dans l'Evangile, en n'oubliant pas que ce grain c'est à la fois son système, lui-même tout entier, et Jésus qui l'appelle.
Indications fournies à Pierre Berger par le père Georges Kowalski, directeur de recherche à l'Institut Catholique, rue d'Assas à Paris.
Note générale: l'Eglise a refusé l'évolutionnisme pratiquement jusqu'à Vatican II. Vers 1950 encore, l'encyclique Humani Generis de Pie XII peut être considérée comme visant notamment Teilhard de Chardin.
Depuis, les positions sont nettement plus ouvertes. Des colloques à ce sujet se sont d'ailleurs tenus au Vatican. Meilleure source générale: Dictionnaire de Théologie Catholique, aux articles "évolutionnisme" et autres. ou: Lexicon fur Theologium Kirche, qui a l'avantage de comporter en général de solides bibliographies.
On peut aussi chercher parmi les textes officiels publiés par la Documentation Catholique (rue Bayard à Paris), qui dispose d'un système documentaire informatisé, sans doute utilisable sur place (mais pas encore par minitel à notre connaissance).
Sur les positions anglicanes, les débats avec Darwin et Huxley, on devrait trouver de bonnes analyses dans "Cambridge History of Science" (série des "Cambridge History of...").
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