1910-1920 : des fantaisies aux premiers "Sicob"
Nous sommes à la fin du XIX siècle. Le soleil se couche sur le Palais du Luxembourg et mon grand-père termine sa journée par une aquarelle. Le ciel est rouge. Il fera beau demain. Fera-t-il beau sur le prochain siècle ? A quoi ressemblera-t-il ?
Si mon grand père lisait la presse américaine, il aurait pu voir ce dessin dans The Forum,et un article fantaisiste "La journée d'un journaliste américain en 2889", signé d'un certain Jules Verne. S'agit-il du dernier micro multi-média de Bull ? En fait, plutôt d'un système de visio-conférence. Noter l'écran plat, et le caractère plutôt kitch de la partie son !
Fantaisie ? Ce texte est exceptionnellement visionnaire ! Ce journaliste en en fait le patron d'une entreprise de presse interplanétaire communicant par faisceaux optiques. Et son entreprise fait doublement usage de calculateurs avancés. Ecoutons Jules Verne :
"Penchés sur leurs compteurs, trente savants s'y absorbaient dans des équations du quatre-vingt-quinzième degré. Quelques une se jouaient même au milieu des formules de l'infini algébrique...".
Mais, Verne fait encore mieux en ce qui concerne le système d'information de gestion :
"Francis Benett, voulant arrêter les comptes du jour, passa dans son bureau. Opération énorme, quand ils 'agit d'une entreprise dotn les frais quotidiens s'élèvent à huit cent mille dolars. Très heureusement, les progrès de la mécanique moderne facilitent singulièrement ce genre de travail. A l'aide du piano-compteur électrique, Francis Benett eut bientôt achevé sa besogne".
A cette époque, selon le Grand Larousse Illustré, les machines à calculer se classent en machines arithmétiques (nous dirions digitales) et machines algébriques (nous dirions analogiques), dont les régulateurs de Marine, destinés au pointage des canons, sont un des exemples les plus avancés.
Ces outils inspirent nombre de visionnaires, même si personne, à commencer par eux-mêmes, ne les prend trop au sérieux. Citons le dessinateurs humoristique Robida, le romancier militaire Danrit (qui a des vues sidérantes sur la future guerre de 14 et qui imagine déjà une attaque surprise des japonais sur Midway, près de Pearl-Harbour, et la pratique de la guerre électronique en plein milieu du pacifique. Ou encore, peu connu, Pierre Legendre, qui a une vision avancée de la domotique et pense déjà... aux bugs !
Mais foin de ces fantaisies. En 1910, un journaliste spécialisé, Charles Ravisse, va regrouper toutes ses énergies pour monter un salon. Pour parler de machines mécaniques ? Sans doute, mais surtout pour montrer à quoi elles peuvent servir dans les entreprises. A quoi ? Au CRM (Customer relationship management), à la mode depuis 1998 ? Presque, puisque le premier salon s'appelle est dédié à l' "Organisation commerciale"). On veut nous faire croire que le sens du client est une découverte récente. Je peux vous assurer que mon arrière grand-mère, mercière en gros à Valenciennes, savait très bien de quoi il s'agissait, et citait en risant son caissier qui se plaignait "Madame, avec tous ces clients qui viennent au magasin, comment voulez vous que je trouve le temps de travailler !".
Qu'y avait-il dans ce salon ? Cette photo fait sourir et ne le laisse pas trop deviner, mais le reste de l'ouvrage est assez bien illustré.
Ajoutons que, dès cette époque, les français s'intéressent activement au travail des organisateurs américains : Taylor surtout. Des gourous comme Fayol ou Rimailho reprennent leurs travaux et leur donnent un tour plus... méthodique. Et qu'ils commencent à dessiner des schémas de fonctionnement adminisatratif qui n'ont pas tellement à envier à ceux des années 70 !
Noter en particulier, dans les structures de l'entreprise, la place donnée à l'information sur l'extérieur de la firme. La veille technologie, l'intelligence économique, ne sont pas non plus une invention de cette fin de siècle !