(Notice provisoire, proposée par Pierre Berger 3/2003)
Par analogie, les capteurs sont les sens d'une machine (ou d'un système, que nous supposerons par la suite digital) ; les actionneurs sont ses muscles. Cette analogie anthropomorphique, que l'on peut contester, est efficace et sans inconvénient dans la plupart des cas. Elle est sanctionné par un long usage, remontant au moins à 1915 avec l'article de Torres y Quevedo Essais sur l'automatique (Texte intégral sur ce site).
Capteurs et actionneurs partagent un certain nombre de traits.
Synonyme. Dans les systèmes industriels, un capteur aussi bien qu'un actionneur est désigné comme un "point". Un site industriel comporte plusieurs milliers de points.
La précision d'un capteur (selon les cas dite aussi finesse, définition, résolution) se définit par le nombre de bits qu'il fournit sur le phénomène élémentaire observé (capteur) ou qui lui sont nécessaires pour effectuer une action élémentaire (actionneur). Un capteur ou un actionneur à un bit est dit "tout ou rien". On parle de "point TOR", dans le langage de la commande industrielle. Un capteur fournissant une grandeur continue est souvent qualifié de "point analogique".
Un autre paramètre important est le nombre de mesures effecuées par seconde, ou fréquence d'échantillonnage.
Depuis les années 1980, la numérisation des systèmes de
prise de son et d'images de toute nature a fait étendre le terme de capteur
aux appareils de photo numériques, caméras (y compris caméras
infrarouges ou spéciales), radars, sonars, etc. A notre connaissance,
on n'emploie pas le terme d'actionneur pour les dispositifs de sortie correspondants.
Dans ce cas, la précision ou finesse du capteur prend en compte :
- le nombre de bits par point de mesure (pixel pour une image, voxel pour un
modèle 3D) ou par prise d'échantillon ;
- le nombre de pixels fournis par une vue
- la fréquence de la prise d'images (au moins 25 par seconde pour une
image vidéo) ou la fréquence d'échantillonnage pour le
son.
Mettant en relation le monde extérieur, considéré comme continu (tant qu'on ne descend pas à l'échelle des quanta) et un système digital, ils doivent comporter (ou le système doit fournir) un dispositif d'adaptation, ou convertisseur, soit. analogique/ digital (AD, ADC), soit digital/analogique (DA, DAC).
Opérant sur des échelles de puissance qui peuvent aller de la physique atomique à l'astronomie en passant par les micro-machines et les engins de puissance (moteurs de véhicules, par exemple), la liaison des capteurs et actionneurs avec le système informatique doit comporter un dispositif d'ajustement de puissance, soit pour la réduire (ce qui est en général assez trivial pour les capteurs) soit pour l'amplifier (ce qui peut exiger des dispositifs d'une haute complexité par eux-mêmes). Cet étage d'ajustement comporte en général des dispositifs d'isolement et de protection pour mettre le système digital à l'abri des mouvements mécaniques dangereux et plus souvent des surtensions qui peuvent se produire sur les circuits de mesure ou de commande.
Ces dispositifs sont toujours imparfaits. Il n'y a jamais correspondance exacte
entre le phénomène et sa représentation, entre la commande
et son exécution. A tout le moins il subsiste toujours un certain délai.
Des techniques élaborées peuvent être mises en oeuvre pour
réduire ces délais ou pour en pallier les inconvénients.
Des filtres suppriment les parasites, etc.
Synonymes. Dans certains environnements, on emploie
le terme de "sonde" comme synonyme de capteur. Il s'agit
en particulier de la mesure en environnement difficile (températures
élevées), éloignées du système (ballons-sonde),
voire pour l'exploration du corps humain.
On trouve parfois le terme de "senseur", transposé
de l'anglais "sensor", surtout pour les capteurs nouveaux fournissant
des images. Il paraît préférable, et l'usage (en 2003) le
confirme, de s'en tenir au terme de capteur.
Formellement un capteur peut être défini comme un dispositif qui,
- soumis à l'action d'un phénomène du "monde",
le "mesurande" (certains auteurs excluent de la définition
les mesurandes qui sont électriques par nature),
- fournit une représentation de ce mesurande,
- sous la forme d'un signal aux bornes d'un circuit électrique ; ce signal
est le plus souvent une tension continue, mais il peut être plus avantageux,
par exemple pour des raisons de fiabilité de la transmission, de représenter
la valeur par une fréquence) ; plutôt qu'un signal à proprement
parler, un capteur peut fournir une autre caractéristique électrique
(charge, tension, courant ou impédance) que l'on saura exploiter dans
la suite de la chaîne de mesure.
Parmi les principaux types de capteurs, on peut relever : optique, de température, de position, distance et déplacement, de déformation, de vitesse (tachymétrique), de force, de pesage, de couple, d'accélération, vibration ou choc, de vitesse, débit ou niveau de fluides, de pression de fluides, de mesure du vide, acoustique, de rayonnements nucléaires, d'humidité, électrochimiques, de composition gazeuse, organiques ...
En musique, un "capteur Midi" est un enregistreur qui transforme le jeu d'un instrument analogique (violon par exemple) en messages digitaux Midi.
Du point de vue de son fonctionnement électrique, on peut distinguer
- le capteur actif : fondé sur un effet physique qui assure la conversion
en énergie électrique de la forme d'énergie propre au mesurande
(énergie thermique, mécanique ou de rayonnement),
- du capteur passif : impédance dont un des paramètres
déterminants est sensible au mesurande.
Suivant que le phénomène se produit dans le monde extérieur
ou dans l'environnement propre du système qui l'utilise, on peut distinguer
:
- le capteur extéroceptif ; par exemple, sur un véhicule, la température
extérieure de l'air
- le capteur proprioceptif ; par exemple, sur un véhicule, la température
du liquide de refroidissement. Synonyme : quand il
s'agit d'un animal, d'un humain, l'ensemble des perceptions de l'état
interne du corps est appelé cénesthésie.
Certains capteurs échappent à cette classification, car ils mesurent des paramètres de relation entre le système et le monde extérieur, par exemple, sur un véhicule, sa vitesse par rapport au sol (qui peut se mesurer par toutes sortes de méthode; la plus courante part de la vitesse de rotation des roues ; mais on peut utiliser un radar doppler, voire une variation du positionnement géodésique ou l'intégration des accélérations par une centrale à inertie).
Synonymes. On trouve parfois le terme "effecteur". Préférer actionneur, sanctionné par l'usage.
Un actionneur a pour rôle de faire prendre à un point ou à un paramètre du monde extérieur une valeur fournie par le système de contrôle commande.
Si la valeur commandée n'est pas binaire (ou discrète), il faut la convertir en un signal analogique. Cela implique, soit implicitement (par la nature même des dispositifs de commande), soit explicitement, une interpolation plus ou moins élaborée (cas particulier de l'anti-crènelage en infographie).
Il faut ensuite, le plus souvent, amplifier le faible signal fourni par le système. Cette amplification comprend souvent plusieurs étages. Le premier, dans les systèmes courants en 2003, est le plus souvent constitué par des transistors (éventuellement, plusieurs en cascade).
Dès que l'amplification est importante, elle exige un appel à des sources d'énergie extérieures au système. Pour les dispositifs électriques, des circuits élecroniques comme les thyristors permettent d'aller pratiquemnet aussi loin qu'on veut dans les échelles.
Le dernier étage est d'une nature appropriée au paramètre à commander. Il peut être purement électrique (résistances, moteurs). Au cours des années 1980, sont apparus les moteurs pas-à-pas (anglais stepper), pour la commande de tous les dispositifs de positionnement discret, en particulier les imprimantes d'ordinateur. Dans d'autres cas, on fait intervenir d'autres formes d'énergie (moteurs à explosion, pression hydraulique ou pneumatique...).
La difficulté de pilotage d'énergies importantes conduit à intégrer aux actionneurs ou plus généralement à la chaîne de commande un certain nombre de dispositifs d'ajustement. Par exemple, un amplificateur (de signaux électriques) comporte toujours une ou plusieurs boucles de rétro-action (feed back). Et, surtout si le dispositif n'est pas directement conduit par un opérateur, on met en place un ensemble de capteurs, voire un système entier de mesure, pour constater et évaluer l'effet réel des commandes et les ajuster en conséquence.
Avant d'être fournis au système digital principal, ou dans un des sous-systèmes de ce dernier, les signaux fournis par les capteurs peuvent faire l'objet d'une série de traitements spécifiques (Voir Signal). Des signaux de provenance diverse peuvent être regroupés (fusion de capteurs). L'on parviendra ainsi, finalement, à une représentation du monde qui servira au système à déclencher ses actions.
Si la mesure est destinée à un observateur à un chercheur scientifique ou à un opérateur humain, l'ensemble des capteurs et de leur système de pilotage prend le nom de système d'instrumentation ou de tableau de bord. C'est à l'observateur qu'il appartient alors d'agir sur le monde, soit immédiatement par le pilotage du véhicule, de l'appareil ou de l'unité industrielle en cause, soit à terme, voire à très long terme, si l'instrumentation sert à construire une théorie scientifique dont les applications ne viendront que bien plus tard.
Si la mesure est destinée à un automate, à un robot, le passage de l'observation à l'action, du capteur à l'actionneur, sera plus ou moins complexe. Dans le cas minimal, un simple axe réflexe conduira directement du capteur à l'actionneur. Dans le cas maximal, la représentation évoquera une ontologie élaborée et un modèle complexe du monde où intervient le système, avec prise en compte des données fournies par un grand nombre de capteurs et déclenchement des actions dans le cadre de stratégies élaborées. Les expériences de Frédéric Kaplan au laboratoire Sony CSL montre que les robots peuvent, dans une certaine mesure, élaborer eux-mêmes de tels systèmes de représentation.
Dans le cas le plus complet, le passage des capteurs aux actionneurs s'effectue dans le cadre de système hiérarchisés, combinant des arcs réflexes à la base et des programmes de planification à long terme au niveau le plus élevé. De telles organisations existent aussi bien chez les êtres vivants et les organismes sociaux que dans les grands systèmes industriels ou robotiques (Voir ce mot).
Voir à ce sujet le thème Robotique.
Revue Instrumentation, mesure, métrologie, chez Hermès/Lavoisier. Numéros spéciaux, notamment : Capteurs et traitement du signal dans les transports guidés. sous la direction de P. Aknin. Hermès/Lavoisier 2002.
Ouvrages de référence :
- Placko Dominique(sous la direction de) Mesure et instrumentation Hermès
2001.
- Asch Georges et al. Les capteurs en instrumentation industrielle.
Dunod 1983.
A consulter : Nussbaumer Henri. Informatique industrielle. Tome III. Automates programmables, comande et réglages, capteurs. Presses polytechniques romandes, 1987.
National Instruments. The measurement and automation catalog. (La dernière édition dont nous disposons est celle de 2002).