Manifeste de l'hypermonde (suite)
Que pourrait être un monde sans effort
physique, sans l'épreuve de la pesanteur des corps, sans le
ruissellement de la sueur?
Notre corps se structure sous l'effet conjugué de la gravité et
du tonus de notre musculature. Cette lutte contre les effets de
la gravité est consubstantielle à la vie. Un corps inerte,
privé de la mobilité, de la marche, du maintien de la posture
verticale, dépérit rapidement.
Michel Serres souligne à plusieurs reprises le rapprochement
entre corps pesant et corps pensant. Pour lui, le plein exercice
de la pensée ne peut aller sans l'ébranlement quotidien et
intensif de notre carcasse. Comme témoins, il appelle Rousseau
et Diderot, marcheurs infatigables.
Une vie sans effort physique est-elle concevable, sinon
souhaitable? La sueur sera-t-elle nécessairement bannie de
l'hypermonde?
L'effort physique remplacé par la tension nerveuse, l'homme ne
perdra-t-il pas au change une certaine forme de connaissance
sensible ?
Un crash dans une course de voitures simulée est loin des 10 g
encaissés par le pilote en chair et en os soumis à la même
épreuve. L'apprentissage du monde physique semble impossible à
travers un monde de simulation, ou du moins très éloigné de
ses effets réels.
L'univers virtuel conduit à un sentiment de puissance illimité
: on vole, on nage, on se déplace à la vitesse de la lumière.
Epatant pour explorer les galaxies.
Après des immersions complètes et prolongées, nos
genoux seront-ils encore capables de descendre un escalier?
Et pourquoi pas explorer l'hypermonde de la réalité qui nous
entoure en enfourchant un simple vélo?