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Après les bricolages, les architectures

L'aube de la domotique

Pierre Berger. Le Monde Informatique, 7 avril 1986

crackville

L'informatique domesstique va devenir professionnelle. Les amateurs se lassent, les industriels de l'électroménager préparent des normes : le bus domotique. Les informaticiens d'entreprise sont concernés : beaucoup d'applications devront aller jusqu'au terminal domestique. De plus, les locaux tertiaires sont un des premiers domaines d'utilisation de la domotique.

Mettre l'ordinateur à la maison, l'idée n'est pas nouvelle. Dès 1967, aux Etats-Unis, quelques réalisations expérimentales montrent un chemin qui paraît prometteur General Electric, à Phoenix (Arizona) montre les éléments de la "maison de demain", et Mme Barbara Crawshaw se laisse photographier devant le télétype installé dans sa cuisine. C'est encore à Phoenix qu'est montrée en 1981 la "dream house" de Presley Development Co.

La montée progressive des "pôles"

Pendant quinze ans, les progrès réguliers de le technologie mettent peu à peu en place les moyens qu'appelle une informatique domestique. Tout se fait fait électronique, tout se digitalise, se barde de capteurs, d'automatismes qui ne sont d'abord que de petites régulations et temporisations, etc. Arrive enfin le microprocesseur aux universelles possibilités, bref "la puce".

L'informatique et l'électronique domestiques se développent autour d'un certain nombre de "pôles" qui tendent à regrouper autour d'eux une périphérie toujours plus étoffée. Rappelons les plus précoces et les plus ambitieux.

La gestion de l'énergie retient tôt l'attention, du fait des économies espérées. La régulation d'abord simple se différencie selon heures et pièces. Le choc pétrolier la stimule, de même que écologie La maison de rêve de Phoenix est bardée de panneaux solaires autant et plus que d'ordinateurs. On en vient à la télécommande pour trouver chaude la résidence secondaire au soir du vendredi... Pour économiser aussi sur l'éclairage, on repère présences et passages on pilote les ventilations et l'occultation des baies, etc.

Sur la vague sécuritaire s'avance la protection électronique. Lisez les publicités des revues d'électronique, vous y verrez grossir les "centrales", se multiplier les "circuits" indépendants, les capteurs élaborés de la protection volumique. On télésurveille, et l'on peut aussi appeler automatiquement le commissariat le plus proche.

L'électroménager blanc (froid, cuisson, lavage) se gratte les puces avec énergie, se fait chaque année plus "programmable" (pas en Ada tout de même). Le brun (hifi notamment), s'organise en chaînes voire en systèmes. Les faces avant remplacent les cadrans par des diodes, des afficheurs de quelques chiffres, parfois même de petits écrans de contrôle.

La "péritélévision" marque les ambitions de ce point central de la sociologie électronique. La prise Scart devient obligatoire, et l'on voit magnétoscope, caméra chaîne hi-fi se raccorder peu à peu. La télévision tout numérique se profile à l'horizon. Les boitiers de jeux et l'ordinateur domestique lui-même sont trop heureux de profiter de ce moniteur tout trouvé. Le téléphone allait rejoindre mai... le téléphone n'a pas l'intention de prêter à l'allégeance à la TV. Il contre-attaque avec sa péritéléphonie, elle aussi richement douée : composeur, amplificateur, répondeur toujours plus sophistiqué. Mais surtout, débarque le Minitel, non pas simple boîtier de liaison avec le téléviseur, comme on avait pu le penser, mais comme centre à son tour. C'st le combiné qui s'y intègre ou s'y connecte, aux côtés de l'imprimante, d'outils de mémorisation ou de l'ordinateur, qui cette fois espère trouver ici un modem pratiquement gratuit.

Tout semblait aller pour le meilleur des mondes électroniques possibles. Et puis, avec le début des années 80, c'est la ralentissement , la désillusion.

domotique-int Pourquoi le désenchantement

On n'entend plus la voie cristalline de la puce Thomson aux annonces de 20 heures. La chaîne hifi se miniaturise sans généraliser les écrans, comme en témoignent éloquemment les salons tenus mi-mars à La Défense.

L'électroménager, blanc ou brun, régresse plus qu'autre chose. La sécurité reste au niveau de gadgets qui perturbent plus souvent le commeil des voisins que les véritables cambrioleurs.

L'ordinateur lui-même, hélas ! Une fois le petit génie lassé des jeux comme du Basic, une fois le papa décomplexé car il sait écrire un Goto... la maman n'a guère de mal à renvoyer l'intrus au placard pour retrouver les pures lignes du bureau Louis XVI ou la volupté du canapé tout cuir.

La mode va-t-elle définitivement passer, comme le hula-hoop et les petites robes de Courrèges ? Essayons d'analyser les causes du reflux.

D'abord, la demande et, derrière elle, la psychologie des désirs. C'est un faut que l'automatisation de la maison a toujours quelque peu inquiété. On l'exorcise par l'humour . Notre Mme Crawshaw, pour ses onze convives, doit "prendre 1,375000 cuillerrée à café de sel, 2,750000 de condiments, et 6,187500 livres de poulet (Sciencs et mécaniques, mai 1967). Mais déjà, son grand père Chambardac avait eu quelques déboires : "Il lui arriva de transformer sa salle à manger en baignoire, de se faire la barbe avec l'appareil à balayer.. tout cela par suite d'une maladresse ou d'une erreur dans l'emploi de ce petit clavier en usage dans toutes les maisons" (Crackville, de Pierre Legendre, Ancienne librairie Furne, Paris 1898).

Les réticences ne datent pas d'hier, elles n'ont bloqué ni le chemin de fer ni la télévision, pourquoi suffiraient-elles à bloquer la domotique ?

La prix, alors ? Certes, le marché de l'aménagement domestique n'est pas brillant, mais c'est aussi que l'on ne multiplie pas indéfiniment son matériel: Que faire de deux machines à laver ... en fait, depuis 1960, le pourcentage de revenu que les ménages consacrent à l'électroménager reste constant, soit en volume un accroissement annuel de 2% (selon M. Genet, Philips). Une régularité qui limite les espoirs, mais n'expliquerait pas la baisse.

La vraie raison, pour les fondateurs de la domotique, c'est que la montée par les pôles a vite trouvé ses limites. Si chaque technologie monte séparément, l'espace domestique est bientôt encombré d'appareils en tous genres, de multiples écrans dont chacun n''a qu'une fonction limitée. Pire, les câbles et les fils envahissent les planchers, s'enroulent autour des pieds de table. Et surtout, chaque appareil a son propre mode d'emploi, son propre langage. Il ne profite pas des fonctionnalités des autres. On aurait remarqué, chez IBM, qu'un cadre abandonne son PC au bout de six mois s'il n'est pas connecté.

La menace japonaise

S'il en est ainsi, la solution s'impose : il faut faire communiquer les appareils, mettre d'accord les différents secteurs concernés par les différents types d'appareil, chercher la compatibilité entre marques et entre pays. C'est le "home bus" (titre choisi d'ailleurs par la première revue lancée dans le domaine, en tous cas en Europe).

Il fallait s'y attendre. Les Japonais pensent aux lendemains, et se sont lancés activement dans l'exploration de ce domaine promettteur, comme l'analyse une récente étude Euralia.

Peu de produits sont commercialisés, et les consommateurs sont encore peu nombreux, mais une politique active de sensibilisation est en en place. Le gouvernement, avec le Miti et le MPT (ministère des Postes et Télécommunications), de grandes entreprises privées comme Toshiba, Matsushita et Mitsubishi lancent des plans.

Le marché actuel est surtout celui des systèmes de sécurité et de contrôle, avec un chiffre d'affaires de 11 milliards de yens en 1985, les leaders étant Matsushita et Misawa Home. Pour l'an 2000, le marché prévu est de mille milliards de yens, incluant toutes les fonctions domotiques, qui s'intègreraient autour d'un système central.

Les entreprises actives sont les grandes enteprises de matériel électrique (Hitachi, Toshiba, Mitsubishi, Matsushita, Sanyo, Nec et Sharp), les constructeurs de maisons préfabriquées (Sekisui, Daiwa et Misawa), les spécialistes des équipements de communication (Aihon et Hihon Interphone), enfin les entreprises de sécurité comme Secom.

Le marché des interphones est presque saturé et des interphones multifonctions plus élaborés sont en cours de développement. Le marché des systèmes de surveillance par télévision est modeste, et dominé par Nihon Interphone. Matsushita Denko est le seul à vendre un système de commande à distance des installations électriques. Avec Matsushita Denki, elles partagent une large part du marché des systèmes de sécurité intégrés, avec affichage sur écran. Sharp domine le marché de l'air conditionné. Misawa Home est le principal vendeur de maisons tout équipées.

Le Miti et le MPT se sont engagés, selon Euralia, dans une compétition pour le choix d'un standard de bus domestique, qui relierait les systèmes de sécurité, conduite des appareils, information et communication. Le Miti est favorable à une standardisation limitée, tandis que le MPT considère ce bus comme une interface publique. Le choix entre les deux options serait imminent.

Le Miti a consenti une subvention de 4 millions de dollars à un groupe d'industriels et de banquiers intéressés par ce marché. 150 personnes travailleraient à plein temps sur la domotique. L'effort de recherche global, en trois ans, serait de 135 millions de F. De nombreux comités, publics ou privés, sont engagés dans les négociations. Les entreprises privées seraient plutôt favorables au choix du Miti, tout en participant aux commissions du MPT. Euralia considère que "le marché reste encore petit, et il est nécessaire que les prix des équipements bissent et surtout que le concept devienne plus populaire. En effet, il est encore mal admis par les Japonais et notamment par les femmes au foyer.

 


schema
Traductions :
- CATV : banque à domicile, "home shopping", télécommande, santé, réseau téléphonique
- Tableau de bord
- Bureau : télécopieur, éclairage, PC, sous-système de commande interphone, air conditionné
- Chambre d'enfants : chaîne audio-vidéo, PC
- Chambre à coucher principale : incendie, interphone, sous-système de commande, éclairage, air conditionné, détection d'intrus
- Entrée : caméra vidéo, verrou, interphone
- Salle de bains : ofuro
- Cuisine : sous-système de commande, éclairage, interphone, incendie, détection de gaz, cocotte pour le riz
- Salle de séjour/salle à manger : sous-système de commande, air conditionné, magnétoscope, télévision, éclairage, vidéodisque, PC, détection d'intrus, Captain.

Que fait l'industrie française ?

L'accord sur la standardisation ainsi que des efforts sur les interfaces sont également des conditions sine qua non pour l'expansion de se marché.

Il ne faut sans doute pas exagérer la menace. Tant pour leur norme MSX que pour leur cinquième génération, les Japonais ne rencontrent pas des succès aussi rapides ni probants qu'on pouvait l'espérer (ou le craindre). Mais quelles sont les forces de l'Europe e de la France sur cette nouvelle frontière ?

Pour le moment, rien de disponible sur le marché, sinon quelques ébauches de "tableau de bord" plutôt destinées aux bricoleurs, notamment pour les caravanes. Au dernier salon des artistes décorateurs, un concours de meubles pour minitel réunissait quelques dizaines de projets.

Mais la France ne reste pas aussi passive que le silence des fournisseurs pourrait le laisser penser. Elle était même présente à Tsukuba sous la forme d'un domicile pour handicapés qui n'est pas sans intérêt pour la domotique avancée.

Une association "pour la maison du futur" (APMF) créée il y a deux ans, multiplie les réunions de concertation et d'information. Le 21 mars dernier, dans de la Semaine française de la communication audiovisuelle, l'association organisait une séance d'information animée par son président Bruno de Latour. Les pouvoirs publics étaient représentés par Jean Chabert, responsable du plan Construction au ministère de l'Urbanisme, Jean-Paul Dallaporta, chef du service Habitat et tertiaire à l'agence française pour la Maîtrise de l'énergie et Camille Veyres, ingénieur en chef aux Actions industrielles et techniques de la DGT (délégation aux vidéocommunications).

L'industrie avait délégué M. Genet (Philips) et Louis Marcel Reiber (Thomson Grand Public, ce dernier présidant ausssi la commission "réseaux domestiques" de la FIEE (Fédérarion des industries électroniques et électroniques).

Tous étaient d'accord pour stigmatiser la philosophie des pôles et la nécessité d'aller vers un langage commun. "C'est pour cela que l'on s'est planté à partir des années 80. A un moment donné, on ne peut plus supporter toute cette filasse" précisait crûment J.M. Reiber, qui assure que "en six ans, beaucoup de travail a été fait".

Cinq groupes de travail ont été mis en place à la FIEE. D'abord les échanges internes sécurité, interaction entre pôles, normalisation d'un ensemble de messages supplémentaires. Ensuite, les échanges externes, c'est-à-dire la connexion de la domotique avec les réseaux publics.

L'ergonomie et la communication homme-machine sont étudiées par la troisième groupe, conscient des difficultés psychologiques. "La personne se sent inférieure. Il ne faut pas faire peur à l'individu L'intelligence de la machine soit réduire le stress. La machine elle-même devra aider l'utilisateur à s'en servir".

Le quatrième groupe, "documentation et normalisation", se chargera de la veille technologique, de la prise en compte des normes existantes (notamment dans le secteur électrique), de la proposition de nouvelles normes et de la rédaction de textes

Enfin, le cinquième groupe étudiera la prospective, c'est-à-dire la "deuxième génération" de la domotique, qui devrait relayer la première à partir de 1995 environ.

Les deux prochaines générations de la domotique

Dans un premier temps, la commission "réseaux domestiques" pense qu'il faut faire vite. Les Japonais devraient attaquer sérieusement d'ici à deux ou trois ans. Il faut d'ici là s'être mis d'accord sur quelques aménagements permettant d'intégrer les produits actuels, issus de la philosophie des pôles. On pourrait utiliser les fils du secteur comme bus de communication, à condition que l'EDF et les PTT acceptent d'assouplir un peu lueurs normes et règlements. Parallèlement, on définirait un "langage minimum commun" (LMC) entre types de produits comme entre marques concurrentes. Bref, un accord "multi-marques, multi-supports" pour le bus, qui pourrait exploiter non seulement le secteur, mais la paire téléphonique, le coaxial...). Cette première génération pourrait tout à la fois faire barrage aux produits japonais et sensibiliser un public dont la demande ne s'exprime pas encore.

Techniquement, selon Camille Veyres, cette première génération s'inscrirait dans le modèle Osi/Iso, niveaux 4 à 7. Objectif : que tout terminal télématique ou domestique puisse correspondre avec un autre terminal. On devrait, en 1987,, avoir un modèle de liaison à 64 kilobits/seconde, et en 1988 une exploitation de la voie D du RNIS, par paquets, pour la transmission des commandes et la signalisation. Ces standards s'appliqueraient aussi bien aux liaisons internes qu'aux communications par les réseaux publics. Des circuits intégrés pourraient rapidement voir le jour, et dès 1987-88, on pourrait disposer de kits pour connecter les matériels avec une bonne compatibilité.

L'interface homme-mahine serait réalisée sous forme d'un petit coffret baptisé "tableau de bord" (quelques boutons et voyants). Ce coffret contiendrait une petite "régie d'appartement" qui serait la "tête" du réseau interne et la liaison en voie D avec le réseau public.

Cette génération serait sensiblement en avance sur les quelques réalisations actuelles de divers pays occidentaux Les Etats-Unis, selon le numéro 2 de Home Bus, ont trois systèmes utilisant le secteur électrique (PowerHouxe X 10, Home-Minder/Net, Smart House). Le X10 constitue un standard de fait. Une guru bien connue là-bnas, Portia Isaacson, propose le système Intellisys, avec un logiciel tournant sur PC compatible. En Europe, Philips travaille sur les normes japonaises (il distribue les micro-ordinateurs MSX) et sur un standard "DDB" (Digital domestic bus).

La deuxième génération sera celle du "tout numérique", avec un bus à débit relativement élevé (1 mégabit/seconde). A cet horizon, encore au stade "précompétitif", des accords devraient permettre une normalisaton plus profonde, les produits n'ayant pas à se présenter sur le marché vant sept ou huit ans.

On peut imaginer une troisième génération, qui serait celle de la maison "intelligente", exploitant au niveau domestique la cinquième génération informatique. Mais elle relève pour l'instant de la science-fiction.

Découpler les bus

On notera que le bus domotique, contrairement aux bus informatiques traditionnels, tendrait à se différencier en plusieurs bus plus ou moins parallèles. Autant il est avantageux, sur un panneau arrière de rack ou sur le câble d'un bus IEEE 488, de mettre sur le même plan données, signaux de commande voire alimentation, autant la diversité des flux domotiques pousse à une certaine séparation. Les besoins de la signalisation, qui font le coeur de la domotique, sont minimes par rapport à ceux de la transmission vidéo.

Un bus physiquement unique ne pourrait être qu'une fibre optique ou à la rigueur un coaxial. Si l'on sépare le bus de signalisation, on pourrait se contenter d'un câblage léger (deux ou quatre fils blindés), relativement économique, facile à installer, avec des circuits communicateurs peu coûteux au niveau de chaque appareil. Cela n'empêchera pas, une fois normalisé ce niveau de communication net le langage qui l'exploitera, de l'étendre à des canaux large bande en multiplexant une voie de signalisation.

(Il y a un danger : que le bus domotique ne fasse qu'ajouter un fil de plus à tous les autres ! D'un point de vue pratique, l'idéal serait que tous les canaux reliant un appareil donné au système soient intégrés dans un câbles physiquement unique. Difficile !)

La France a donc déjà l'amorce d'un plan domotique, réaliste pour le court terme, et ouvert sur l'avenir. Pour faire progresser la réflexion, outre la commission de la FIEE, Bruno de Latour signale plusieurs projets de prototypes (une maison laboratoire évolutive avec la Fédération nationale du bâtiment des travaux publics, un groupe de travail de 25 personnes dans le cadre de La Villette), etc.

Le président de l'APMF cite quelques travaux de recherche et de normalisation qui sont signalés aussi au niveau européen. Il annonce plusieurs colloques à venir : "domotique ou maison du futur", au Cesta, les 10 et 11 avril prochain, réunion européenne en 1987, et "avant la fin de 1986", une manifestation d'envergure à Paris organisée par l'APMF". Et il conclut avec optimisme "Je crois que nous ne serons pas en retard".

Les précurseurs : tertiaire et passionnés

Le paradoxe actuel de la domotique d''aujourd'hui, c'est qu'elle suscite à la fois le scepticisme sur la réalité de la demande et l'inquiétude face au dynamisme japonais ! En faire trop, ou pas assez...

Le véritable marché de la bureautique, celui du grand public, appartient encore au futur pour quelques années. La normaliation devrait alors permettre de fabriquer des VLSI pour un prix de l'ordre de 10F pour la connexion de tout appareil au réseau domotique.

En attendant, deux catégories d'utilisateurs commencent à mettre en place des systèmes. Les premiers sont des entreprises et des institutions qui peuvent consentir les budgets nécessaires, forcément élevés : il faut faire appel à des composant (capteurs et actionneurs, processeurs) conçus pour le monde industriel, dont les exigences sont tout à fait différentes (haute précision d'une sonde thermométrique, par exemple) et les quantités faibles. Et la conception est pour l'instant oeuvre originale, donc fait appel à des compétences de haut niveau. Mais certains franchissent le pas, comme le groupe PFA pour sa tour de La Défense (LMI du 25 mars 1985). Quelques très riches particuliers s'offrent aussi des "maisons du futur" pour le plaisir ou la gloire.

Les amateurs passionnés constituent un autre marché. Leur budget les oblige à se contenter de composants relativement rustiques, ou de récupération, d'ailleurs faciles à trouver sur le marché des distributeurs. Comme unités centrales, ils peuvent soit bricoler de toutes pièces, soit modifier des "centrales de sécurité", soit enfin se connecter sur leur micro-ordinateur grâce à des cartes d'interface.

Parmi les moins chères, signalons les cartes Kap, disponibles pour de nombreux mircro-ordinateurs La gamme comporte des entrées et des sorties, binaires et analogiques. Il ne s'agit pas d'un bus, mais de sorties individuelles que l'on reliera par paires de cuivre aux différents appareils. Une solution relativement simple corniste alors à "tirer" dans la maison un câble téléphonique multipaire. Cela fonctionne très bien jusqu'à une quarantaine de points de mesure ou de commande. Il ne faut pas avoir peur de manier le fer à souder ni de faire quelques petits calculs élémentaires pour l'ajustement des capteurs (le niveau terminal devrait suffire).

Autre solution, la gamme de Micro-Security (distribuée par Run Informatique), exploitant les fils du secteur, à partir d'une centrale de commande, avec une interface éventuelle sur micro-ordinateur. Cette formule fait moins "bricolage" que les cartes Kap, et appelle moins de compétences. Il n'y a pas à tirer de fils dans la maison. Mais les possibilités sont restreintes à la commande de quelques appareils, sans voie de retour ni mesure sur capteurs. En outre, le prix est relativement élevé eu égard aux performances : environ 500 à 1000 F par appareil connecté. Solution comptable, à la norme X10, les produits de Datamatic.

bricolage

Derrière le micro-ordinateur (ici un Commodore 64) du domoticien bricoleur, une jolie pagaille.

La domotique des amateurs se heurte assez vite aux limites de co^tus, de possibilités de câblage, de temps nécessaire à la conception et à la mise au point de dispositifs officinaux, plus la programmation du micro-ordinateur. On ne peut actuellement pas compter sur l'aide des artisans (électriciens, par exemple), ni même des architectes : ils sont totalement incompétents, sauf rarissimes exceptions. En outre, s'il n'est pas complètement inconscient, le bricoleur doute de lui-même dès qu'il commence à mettre sous le contrôle de son micro des fonctions où l'erreur peut être ruineuse, sinon criminelle. Allumer un radiateur électrique à distance, par exemple, est facile : mais il suffit qu'un vêtement y ait été déposé qu'il y air risque d'incendie.

La domotique n'en est pas moins attractive et stimulant. Associant le bricolage traditionnel à l'informatique individuelle, ses applications exploitent aussi bien l'habileté manuelle que la créativité conceptuelle. Elle exige de la patience et de la planification à long terme il faut profiter des travaux ordinaires pour passer les fils ou mettre en place de nouveaux appareils. Son plus grand charme est peut-être de faire découvrir, au fil des ans et des essais, toute la complexité de la vie domestique. La domotique sera un art autant et plus qu une technique. """""""""""""""""""""""""""""""""


 

Qu'est-ce que la domotique ?

Au sens large, la domotique recouvre toute l'informatique domestique, y compris celle qui est intégrée aux appareils les plus divers et aux moyens de télécommunications. Elle est une traduction de l'américain "home automation".

Au sens strict, la vraie domotique est intégrée autour d'un bus (home bus), avec une interface sur les réseaux publics (téléphone, dans le cas le plus simple). Ses fonctions sont sont de permettre un minimum de commandes centralisées à partir d'un"tableau de bord" ou "règle".


 

Quelques prévisions

Dès 1982, IDC a annoncé, à propos des ordinateurs domestiques (home/hobby market) : "La fin de la croissance explosive marque l'aube d'une nouvelle époque où la production en volume et le marketing du grand public prennent de l'importance". Voici les derniers chiffres communiqués, en nombre d'unités :

Ventes Croissance Parc en fin d'année

1982 69 000
1983 218 000 216¨%
1984 350 000 65% 650 000
1985 420 000 20% 104 000
1986 500 000 20% 149 000
1987-1989 5%
1990 335 000

Ces chiffres admettent un ralentissement de la croissance, mais tablent sur des ventes régulières pendant les cinq années à venir, soutenues par deux motivations : l'effet d'entraînement du plan Informatique pour tous (MO5, nano-réseau) et la volonté des ménages de "ne pas rester à côté".