1931-1940 : Tout devient possible
Une grandiose époque. Drames et peurs, mais créativité incroyable. En matière scientifique, technique, artistique... comme en matière sociale. Pensez donc, les 35 heures ! Comment voulez vous que les entreprises survivent, et des congés payés en plus ! Mes parents disaient : "Nous sentions le drame monter, mais c'était formidable, tout devenait possible" (citation libre).
C'est une grande époque pour le management. Pas trop en France, qui souffre encore des tueries de cadres pendant la guerre, et s'enlise dans ses certitudes. Aux Etats-Unis, l'échec de Hoover et la crise de 1929 lancent cette patrie du libéralisme dans un immense mouvement d'interventionnisme étatique avec le New Deal de Franklin Roosevelt. Tout cela nécessite certainement d'immenses travaux statistiques et les machines qui vont avec. IBM (et sans doute aussi NCR et quelques autres) est en croissance exponentielle.
Techniquement, c'est l'explosion des grands fichiers et de la carte perforée. Avec les guerres de religion entre Microsoft et Netscape .. pardon, la carte à 80 trous carrés contre la carte à 90 trous ronds. Les processus des grands ateliers de perforation et de tri convergent vers la totalisatrice imprimante, c'est à dire la tabulatrice.
Ces matériels apparaissent dans nombre de grandes entreprises françaises: Crédit Lyonnais, Groupe Drouot, SNCF (ou plutôt, à l'époque, PLM), Défense.
Appelées "machines à statistiques" (ce qui prouve le caractère décisionnel autant et plus que productiviste de ces systèmes), les machines à carte commencent à être connues du public. Par exemple dans l'Illustration, ou le Larousse commercial de Clémentel.
Autour des grands systèmes à cartes, les machines comptables et facturières continuent de se diversifier.
Le carbone. Je ne parle que maintenant de la comptabilité à décalque, bien qu'elle ait été inventée en 1904 (par W.H. Bach, système dit Hinz), mais assez peu répandu jusqu'alors. Ce système était encore couramment commercialisé et utilisé dans les petites entreprises au moins, dans les années 70.
Les automatismes aussi se perfectionnent, jusqu'à réaliser des sortes de calculateurs mécaniques, comme la machine à boules, à la gare de triage de Trappes, un de mes bons souvenirs d'enfance en la matière.
Quant aux télécommunications, le télégramme (Télex) augmente sa présence. Le pneumatique permet l'envoi de plis et petits paquets dans certains centres urbains. Le téléphone devient plus courant, mais sans liaison avec l'informatique, nous en reparlerons plus tard. Son développement n'est pas si facile, puisque Georges Mandel, ministre des PTT (à vérifier) crée SVP, un service de renseignements par téléphone, pour augmenter les débits !
Enfin, la radio devient omniprésente et la Télévision française est inaugurée en 1939.
Ces évolutions font maintenant l'objet de grandes synthèses à la fois pratiques et prospectives. Paul Valéry, par exemple, dans les années 39, voit bien l'ampleur du mouvement qui se prépare. Mais se garde prudemment d'aller trop dans le détail. En Angleterre, le comte de Birkenhead, un proche de Churchill, publie "The world in 2030 A.D." dont il n'aurait pas à rougir aujourd'hui. Sa vision de la guerre, notamment, évoque bien nos systèmes d'armes automatisés et nos écrans cathodiques.
Au niveau social général, on s'inquiète de plus en plus vivement du chômage, dont certes l'automatisation mécanographique n'est pas à l'époque un volet majeur. Les partisans du retour à la terre trouvent dans la technologie de nouvelles raisons d'espérer. En effet, la distribution de l'électricité se généralise dans les campagnes, même dans des fermes isolées en Limousin comme La Lande de Berneuil où j'ai passé bien des vacances. Comme on sait maintenant fabriquer de petits moteurs électriques, rien n'oblige plus à concentrer les activités industrielles autour des lourdes machines à vapeur. Alors décentralisons. Et d'autant mieux que la radio permet d'écouter de la musique classique et que le téléphone de prendre des commandes et l'automobile de les livrer. Bref, on rêve déjà de télétravail
A l'opposé, de grands cerveaux pensent plutôt aux grands comptes et aux nouvelles formes de l'organisation industrielle, avec des analogies qui évoquent déjà la future systémique. Les cabinets conseils progressent, de même que la sous-traitance. A partir de 1935, en particulier, fonctionnent déjà les "services bureaux", de ce qui deviendra IBM.
Jean Coutrot, par exemple, publie "Le système nerveux des entreprises". Mais surtout Maurice Ponthière publie 400 pages denses audacieusement titrées "Le bureau moteur". C'est un disciple de Charles Ravisse, puisqu'il a été rédacteur en chef de Mon Bureau. Il est le fondateur de la "Conférence", devenu "Comité national de l'organisation française" (qui ne disparaîtra que vers 1995, et dont le bulletin comporte de passionnantes notations, notamment sur la mécanographie au PLM). Membre de sociétés (savantes) étrangères, il été élu secrétaire général des congrès d'OST en 1923 et 1924 et rapporteur général en 1929.
Son ouvrage est d'autant plus précieux qu'il se termine par une volumineuse annexe décrivant toutes les machines disponibles à l'époque. Il signale que deux expositions annuelles "facilitent la documentation directe" : d'une part le Salon d'organisation commerciale, ouvert chaque année en automne et d'autre par le Hall du bureau moderne, à la foire de Paris, qui se tient au printemps. C'est celui que fera renaître Max Hermieu à la Libération.
Citons ce qu'il dit des machines Bull (sans doute à partir d'un document commercial de la Compagnie) et qui rappellent bien des discours postérieurs sinon actuels.
Jusqu'en 1934, c'est uniquement à l'étranger que les Français pouvaient demander des machines à statistiques. Il y avait là un monopole d fait qui ne fut rompu que par l'arrivée des machines françaises Bull.
Construites à Paris, 92 bis avenue Gambetta, par des ouvriers français et sous le contrôle de capitaux français, les machines Bull au label Unis France n'ont rien à envier à leurs devancières.
Elles sont rapides : grâce à son dispositif d'impression, d' 'une conception entièrement nouvelle, la tabulatrice imprime et additionne plus de 140 cartes à la minute...
Elles sont souples...
Elles sont perfectionnés... elles peuvent exploiter indifféremment des cartes à 45 colonnes (capacité classique), 60 ou 80 colonnes.
Elles sont sûres...
C'est pourquoi les machines à statistiques françaises Bull se sont imposées non seulement sur le marché français, mais sur des marchés d'exportation. En ce qui concerne notamment la France, dans l'accroissement du nombre des machines à statistiques en service depuis 1933, les machines Bulle entrent pour une très grande partie".
Ponthière est aussi un visionnaire, qui conclut son livre par "Le bureau suprême de l'administration générale", avec sa "planche de bord", inspirée de celle de l'automobile mais aussi des synoptiques des Chemins de fer, adaptée au bureau du grand chef, et dont les spectateurs attentifs peuvent voir une illustration dans le film Metropolis, de Fritz Lang.
"La planche de bord est synoptique. Elle rassemble tous les éléments de conscience dans le champ visuel... Elle est animée, vivante ; la mise au point est instantanée ; les événements et leurs variations s'y inscrivent au moment où ils s'accomplissent. L'idée se dessine... Une idée se transforme en acte, l'idée est force.
Ce sera le couronnement logique de l'évolution la plus caractéristique du bureau moderne. Le chef de demain gouvernera son entreprise comme le pilote conduit son navire et son avion, les yeux fixés sur la planche de bord". L'architecte Ledoux rêvait déjà, dans son "panopticon", d'un tel poste de commandement, à la fin du XVIIIe siècle (à vérifier).
Mais un autre penseur lance les pouvoirs publics dans une grande aventure. En 1936 paraît la première édition du livre de René Carmille : "La mécanographie dans les administrations". Voici ce qu'il en dira lui-même plus tard, alors Contrôleur général de l'Administration des Armées et directeur général du Service national des statistiques.
"Le présent livre a été écrit dans l'été de 1936 à un moment où la France était en pleine effervescence sociale avec des manifestations à caractères d'émeutes, et, où, déjà, le péril extérieur...
Il était donc dès ce moment évident que l'interdépendance de rouages économiques de plus en plus nombreux et de plus en plus variés exigeait des systèmes comptables et statistiques précis et rapides...
Mais, dès cette époque, il était bien évident que l'intérêt de cette description dépassait de beaucoup le point de vue instrumental. Beaucoup plus que la machine elle-même, il fallait connaître les raisons profondes qui en exigent l'emploi... ".
Ils étaient formidables. Tout devenait possible. Le pire aussi, hélas !
Applies to text, images, film
The corpus. Structure and construction
start from a base "as it is" Vs. build rationally a base of components
size or the atom
example of text, alphabet
sememes or below
example of film as sequenc of frames (not really atomic, even less so if sound)
Assembly rules
sequence/2D image/ 3D spatial (installation, architecture)
random
criteria
Pros and cons