1990-2000 : La déferlante Internet
D'une certaine façon, on peut considére la décennie qui s'achève comme une avancée décisive vers un ordre mondial et technique, voire philosophique, beaucoup plus simple.
La chute du mur de Berlin en 1999 marque la fin d'une bipolarité politique qui avait animé des débats des intellectuels, les négociations des politiques et les stratégies des militaires depuis le début du siècle. Au fil des crises (guerre du Golfe, Bosnie, Kosovo), se dessine la mise en place d'un ordre mondial multiforme. Certes trop dominé, au goût français (et le mien en particulier) par les Etat-Unis. Mais la "pensée unique" libérale des Wasp n'a pas que des inconvénients. Et la condamnation de Microsoft peut donner aux optimistes la confirmation que l'ordre mondial n'est pas purement et simplement l'orde des plus forts. Mais rien n'oblige à être optimiste...
Pour l'informatique, la décennie qui s'achève est celle d'un chambardement d'une toute autre ampleur que les précédentes, comme l'attestent les premiers débuts de nos travaux d'histoire quantitative. Si le secteur des services continue à tracer son exponentielle, malgré la secousse de 1992-93, les constructeurs, en particulier en France, en ont fini avec les années de croissance.
Les sept nains, le "bunch" qui hier entouraient, menaçaient ou suivaient IBM, survit difficilement, souvent grâce à l'apport de capitaux japonais. Les marges sont mangées, aussi bien sur les micro-ordinateurs que sur les mainframes, qui doivent impérativement abaisser leurs coûts pour faire face aux menaces du down-sizing. Quant aux équipes informatiques, elles sont sous pression constante pour réduire leurs coûts et rendre l'initiative aux utilisateurs, devenus "maîtres d'ouvrage".
Les équipes de production fondent à vue d'œil et les rescapés sont concentrés dans quelques centres européens ou mondiaux (avec idéalement des tripôles pour assurer la continuité tout en abandonannt le travail de nuit). Selon les cas, la concentration se fait au sein de l'entreprise ou auprès de prestataires spécialisés, qui mutualisent les ressources machines et humaines par l'externalisation ( traduction d'outsourcing, nouveau nom pour la sous-traitance ou le travail à façon).
Les équipes de développement se concentrent elles aussi chez les éditeurs de progiciels et en particulier de progiciels intégrés de gestion (ERP). Encore qu'ici, le bilan soit loin d'être aussi simplement établi que pour les équipes de production.
Pour autant, certaines les contradictions de la décennie précédentes perdurent, entre les informatiques centrales et locales, et les solutions consensuelles du client-serveur n'ont pas répondu à toutes leurs promesses. Mais, une nouvelle vague vient changer l'ensemble du paysage. Aussi bien quant à la demande des utilisateurs et des clients que pour les réponses que les entreprises de tous les secteurs, et les fournisseurs informatiques en particulier, sont pressées d'y apporter.
La nouvelle déferlante s'appelle Internet. Et sa puissance tient à ce qu'elle se développe simultanément, et de manière cohérente, sur plusieurs niveaux.
. Technique réseau. Les protocoles IP (Internet prototocol), et notamment TCP/IP (Transfer control protocol) assurent facilement la communication asynchrone entre les systèmes. Il n'est pas trop difficile (à vérifier et préciser), de les installer dans des architectures qui en garantissent les performances et permettent donc le temps réel et le synchronisme, là où cela est nécessaire.
Ils s'implantent sur les micro-ordinateurs aussi bien que sur les grands systèmes et différents niveaux de serveurs et de matériels spécialisés (routeurs...). Ils conviennent aussi bien aux réseaux ouverts au publics(Internet proprement dit) qu'aux réseaux propres à une entreprise (intranet) ou à un groupe d'entreprises partrenaires (extranet).
Leur simplicité et leur universalité a sensiblement contribué au déclin des standards OSI aussi bien que des architectures de réseau propriétaies des années 80.
. Technique matérielle et d'exploitation. En lui-même, le phénomène Internet n'est lié à aucun matériel déteminé. Il encourage tout de même à une standardisation des fonctions de base et facilite le développeent du "network computing", qui pourrait conduire à un allègement non pas tant des ressources hardware proprement dites mais de leur mise en œuvre, avec téléchargement des logiciels, mainenance par prise en mains à distances, et de leur surveillance à partir de serveurs spécialisés, y compris la sauvegarde des fichiers. On peut espérer réduire ainsi sensiblement le TCO (Total cost of ownership, dont on sait qu'il atteint des chiffres astronomiques, sans rappot avec le prix du matériel lui-même).
. Technique de développement logiciel. Les nouvelles méthodes sont symbolisées par le langage Java. Elles laissent espérer une approche beaucoup plus modulaire de la conception du logiciel aussi bien que de sa mise en œuvre, les différents modules n'étant localisés et activés qu'en fonction des besoins. On peut y ajouter les techniques d'agents intelligents (à préciser).
. Technique d'utilisation des applications. La navigation sur le web fournit un tronc commmun à l'ensemble des activités d'utilisation. Elle combine l'utilisation de la souris, de l'hypertexte et de l'accès au réseau d'une manière rapide et naturelle. Elle se complète de plus en plus aisément et économiquement par le son et la vidéo, y compris avec prise de vue locale grâce à la webcam.
. Technique commerciale, car le commerce électronique combine des formes efficaces de présentation des produits en tous genres. Pour les produits matériels (alimentaire, livre), il suppose la mise au poin d'une logistique efficace (ce n'est pas facile et c'est coûteux, et l'hypermarché représente un optimum de répartition du travail entre réseau de distribution et client final, qui n'est pas facile à déplacer). Pour les produits immatériels, qu'il s'agisse de texte, de musique de vidéo, de progiciels ou de produits financiers, le réseau suffit aux transferts. Sous réserve de problèmes encore loin d'être complètement résolus, de protection et de sécurité.
. Modèle socio-économique, car Internet et le Web, dans leurs origines comme dans une large partie de leur pratque, n'ont rien de commercial. Le Web ne signifie sûrement pas la fin de l'économie de marché, et il ne faut même pas le désirer car le marché a prouvé son extraordinaire puissance de régulation et de stimulation des énergies. Mais il remet les marchands à leur place dans le cadre d'une société d'échanges plus vastes laissant une large place à l'initiative, à la générosité, aux jeux de la puissance et de la séduction. Avec leurs charmes mais aussi leurs dangers.
. Espace nouveau, hypermonde. On peut considére que l'informatique, jusqu'en 1995, a eu pour rôle d'automatiser et de rationaliser le monde de type industriel que nous connaissions au début du siècle. Il s'agissait de réduire les délais, les volumes, les coûts, les risques.
Le retournement, c'est que les nouvelles technologies nous proposent au contraire maintenant de dégager du temps, d'explorer et de créer de nouveaux espaces, d'inventer de nouvelles richesses, de prendre de nouveaux risques.
Mais j'ai peut-être trop laissé la bride sur le cou du poète. Et comme Ponthière en 1935, je sous-estime sans doute les difficultés à vaincre. Dans l'immédiat, reste déjà à espérer que la décennie ne se terminera par une série de catastrophes pendant la nuit de la Saint Sylvestre! De l'avis général, les entreprises, au moins les grandes, sont maintenant assez bien préparées au changement de millésme.