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La révolution de jasmin a sonné la fin de la récréation postmoderne

 

Une des bases du post-modernisme, c'est le désespoir. Après les horreurs de 1914-1918, Auschwitz et le Goulag, Hiroshima et Tchernobyl avaient sonné le glas du modernisme. Jusque là, que l'on soit un républicain de 1789, un scientifique positiviste ou un militant, les lendemains chantaient. De Teilhard de Chardin à Maurice Thorez en passant par André Leroi-Gourhan, l'histoire avait un sens. Où allait-elle ? C'était plutôt vague: Point Oméga, société sans classes, équilibre profond de la nature humaine... Mais cela montait. A chacun de s'inscrire dans ce "grand récit", quelle que soit la manière dont il était conté.

Il fallut attendre les années 1960 pour que l'espoir retombe vraiment. Ou qu'un autre espoir, négatif, lui succède : interdit d'interdire, légitimité de tout ce qui se passe entre adultes consentants, composition par chacun de son identité à partir d'une base de composants multiples et non hiérarchisés... Ne sacrifions pas les importants "acquis de mai 1968", certes. Mais reconnaissons qu'ils ne s'accordaient que trop bien avec un néo-libéralisme qui laissait la bride sur le coup aux grandes multinationales et aux consommations sans frein. Et tant pis si, dans bien des pays et par exemple en Tunisie, quelques dictateurs se chargeaient d'assurer notre tranquillité d'esprit, de nous protéger des fondamentalismes religieux et d'assurer nos approvisionnements en pétrole.

Les Tunisiens en ont décidé autrement. Non pas qu'ils soient partis d'une grande réflexion sur l'avenir, à la manière de Voltaire et Rousseau. Simplement ils en ont eu assez et ils ont eu le courage d'espérer. Même si finalement, l'espoir devait retomber quelque peu, ils ont prouvé au Monde que l'histoire avait retrouvé son sens. Que la Liberté pouvait encore l'emporter sur le "réalisme" politico-économique. Le "grand récit" peut donc reprendre.

En même temps, notre Planète s'est chargée de nous rappeler de plus en plus souvent et violemment qu'elle a ses limites. Et qu'il est urgent de les prendre en compte. Le postmodernisme d'une consommation individuelle sans freins devient tous les jours plus criminel.

Le progrès est possible. Il est même nécessaire : une sorte de consensus s'est établi pour en fixer une sorte d'optimum, autour de 2,5% par an. Manière moderne d'exprimer l'injonction trimillénaire de Dieu à Abraham : Croissez, multipliez-vous, dominez la terre. Une exponentielle qui n'admet pas de limite.

Comment la concilier avec les barrières écologiques ? Une part de la solution peut venir d'une autre exponentielle : celle de la loi de Moore, avec son taux annuel de l'ordre de 50%. Il ne s'agit pas d'une loi "naturelle", mais d'un aménagement du rythme de progrès technique et industriel. Si elle se vérifie depuis quelque 40 ans, et devrait continuer à le faire pendant encore au moins dix ans, cela tient bien sûr au fait de la fécondité des recherches dans ce domaine mais aussi à la capacité persévérante des grandes entreprises concernées à maintenir ce rythme. Cette loi s'applique aussi bien aux coûts de production qu'aux consommations énergétiques.

Pour concilier progrès et stabilité écologique, il devrait donc suffire de transférer chaque année une part adéquate des productions et consommations depuis leurs formes énergétiques (notamment les transports) vers les formes informationnelles.

Evidemment, ce n'est pas aussi simple. Les nouvelles applications de l'informatique sont très gourmandes en puissance. Google à lui tout seul consommerait des gigawatts pour ses seuls serveurs. A la maison, les jeux demandent des machines très puissantes, et la mode des très grands écrans n'arrange rien. Dans les lieux publics, les affiches de type écran remplacent les affiches papier...

En tous cas, la solution de ces questions exige impérativement une coopération internationale. Et là l'informatique est essentielle pour limiter les déplacements physiques, préparer au mieux les réunions qui s'imposent et en diffuser les conclusions. Et puis, quand même, si la Tunisie s'est si courageusement réveillée, c'est aussi, pour une bonne part, grâce à Internet et aux réseaux sociaux.

 

Pierre Berger
http://diccan.com