Schoeffer-Verlinde, même combat
Le 2 mai 2012, la Galerie Denise René a clûturé une exposition consacrée à Nicolas Schoeffer par la présentation d'une oeuvre numérique d'Hugo Verlinde construite par combinaison de ses travaux d'art génératif avec une oeuvre de Nicolas Schoeffer, Trame Spatiodynamique 19, en hommage à l'oeuvre de Nicolas Schöffer. L'artiste et madame Schoeffer ont solennisé l'événement en parcourant l'exposition tout en échangeant des mots-clés typiques du discours artistique des deux auteurs.
L'événement a un caractère historique : la rencontre de deux générations d'art ""numérique"" : l'art cinétique et cybernétique de Schoeffer (1912-1992) et l'art génératif de Verlinde. Rencontre émouvante et profondément significative de la continuité des recherches, d'autant plus que les deux artistes ont tous deux un discours de haut niveau sur leur projet : espace, dynamique, transcendance.
Une des grandes idées de Verlinde, en effet, est de projeter une oeuvre générative à base mathématique (les fonctions transcendantales de Descartes, principalement) non pas sur un simple écran blanc, mais sur un objet lui-même porteur d'une structure graphique (formes et textures). Lancer cette projection sur une sculpture cinétique en est donc un prolongement naturel et riche de promesses. Sur l'oeuvre présentée elle-même, nous avons été un peu déçus. Du mariage de ces deux richesses graphiques, toutes deux marquées par une ascétique et linéaire abstraction, nous attendions l'émergence d'une complexité nouvelle et une explosion des prévisibilités ""rationnelles"", un grand pas de plus vers la ""Classe IV"" de Langton (Voir notre article Chapeau pointu) L'effet nous a semblé, en tous cas lors de cette première présenation, un peu trop flou pour donner toute sa portée à cette combinaison ""génétique"". Mais les oeuvres de Schoeffer sont toujours disponibles et n'ont pas pris une ride, et Verlinde a une longue carrière devant lui. Peut-on considérer que cette première ""trame"" n'est qu'un premier baiser de fiancés, et espérer pour l'avenir une progéniture plus aboutie ?
En tous cas, le haut de la rue Charlot confirme ainsi son rôle historique dans le soutien à l'art d'avant-garde, puisque depuis 2010, la Galerie Charlot, sise presqu'en face consacre systématiquement une moitié de ses espaces à l'art numérique et que la Galerie Denise René, haut lieu de l'art cinétique depuis un demi-siècle, s'ouvre aussi au numérique, malgré le nombre déjà élevé de ses artistes attitrés. Le quartier est riche en galeries, et plusieurs jouent l'avant-gard. Pour faire le nouveau Montparnasse de l'art numérique, il ne manquerait plus qu'à choisir une brasserie sympathique où toute la communauté pourrait se retrouver pour échanger, se disputer et célébrer ses communes victoires.