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Schmitt
Antoine Schmitt : Etats quantiques, des ballets de pixels au rythme des multiplications., speaking with Valérie Hasson-Benillouche, Galerie Charlot.

Karlsruhe : Only French Artists on the Digital field

Art Karlsruhe : les artistes français seuls présents dans le digital

De notre envoyé spécial à Karlsruhe

Si les artistes français n'étaient pas là, Art Karlsruhe et ses quatre grands halls d'exposition ne laisseraient aucune place à l'art numérique.C'est surtout la galerie Charlot qui donne l'exemple, avec des oeuvers nouvelles d'Antoine Schmitt et de François Zajega. Et même Pontus Carle, peintre pourtant au sens traditionnel, se sent pousser des envies d'aller un peu plus loin dans le jeu qu'il affectionne : des combinaisons de formes aléatoires, en informatisant le jeu et les règles de ces combinaisons (ce n'est encore qu'une inspiration parmi d'autres".

Zajega
Zajega : Genealogu 2011

Les nouvelles oeuvres de Schmitt jouent sur les entiers et leurs multiplications. Fidèle à ses jeux de pixels, en général souplement mobiles dans des environnements imposés, il les fait cette fois se multiplier dans un espace rectangulaire. Et, mystères de la théorie des nombres, tantôt cette mutliplication prend une allure cahotique, tantôt, pour un instant plus ou moins bref, ils s'organisent en figure régulière. Jusqu'au terme, en PPCM (plus petit commun multiple) en quelque sorte, où l'on revient au germe initial.

Zajega est plus inspiré par le biologique, l'envahissement progressif d'un espace par une sorte de croissance semi aléatoire d'une forme de rhizome. C'est le genre d'oeuvre lente qui plaira plutôt aux méditatifs, ou à l'animation d'une salle où d'autres occupations densifient l'intensité des événéments. Heureusement, en tous cas dans la version présentée à Karlsrue (une vidéo pour s'éviter les complications d'un calculateur pour faire jouer les algorithmes), il arrive qu'un bug ait été accepté par l'artiste : la lente croissance végétative est tout d'un troublée par de grandes diagonales et d'actifs groupements qui se superposent un instant à l'ensemble. Comme souvent dans les arts numériques (voir par exemple le point de vue de Jacques Perconte pour le traitement de la vidéo), les bugs sont quelquefois le meilleur de l'art, et c'est à l'artiste de s'en saisir et de les mettre au service de son projet. On verra dans l'avenir comment Zajega fera évaluer ses pratiques.

Boesso
Vaserely et le Grav sur le stand de la galerie Boesso

Présents aussi à Karlruhe, mais bien discrètement, Christa Sommerer et Laurent Mignonneau, qui ne travaillent plus en France maintenant. Hélas, après les grandes ouvertures qu'avaient développées leur ouvrage Interactive Art Research ( Springer 2009) (*), les voilà revenus à un amusant bricolage d'une vielle machine à écrire et d'un jeu de la vie qui nous ramènent vingt ans en arrière. à la belle époque de Sims... ou de l'oeuvre fondatrice de ce couple dynamique, Interactive Plant Growing. A l'heure de Kinect, revenir à un antique clavier ! A l'heure où la programmation génétique et évolutionnaire ne cesse d'évoluer, revenir à quelques petits insectes simplistes dans un espace vide... Et, bien entendu, il n'ont lu ni les réflexions d'Aziosmanoff sur l'art relationnel, ni celles de Johnston sur la "machinic liffe". Espérons que le petit joujou présenté à Karlsuhe n'est qu'une récréation avant la reprise d'un véritable travail sur l'art génératif, plus nécessaire aujourd'hui que jamais.

Enfin, la proto-histoire des arts numériques est représentée par Vasarely sur plusieurs stands, notamment la galerie italienne Boesso. Celle ci, de manière plus surprenante encore, présente plusieurs oeuvres du Grav (Groupe de recherche d'art visuel), groupe français qui a coopéré de 1960 à 1968.

Cela dit, ne poussons pas trop loin notre cocorico : c'est aussi à Karlsruhe que se situe le plus grand centre d'art numérique du monde, le ZKM . Malheureusement, au moment où se tient Art Karlsruhe, le centre est en travaux et nous n'avons peu en visiter qu'une partie. Il n'y a d'ailleurs pas de guide de visite ni de signalétique suffisante pour profiter pleinement des considérables richesses de ce centre.

ZKM
Le ZKM : Kolossal !

Nous avons pu cependant visiter une exposition consacrée à deux pionniers de l'art vidéo, le poloonais Zbigniew Rybczynski ("Zbig"), universellement reconnu comme le père des effets visuels en vidéo et et le hongrois Gabor Body. Une des forces de l'Allemagne, en effet, par rapport à notre cher Hexagone, c'est une longue proximité avec l'Europe de l'Est. Il est sainement décoiffant de lire "Almost all the foundations for developing the worldsof electronic images and sounds were discovered and invented in the East. The West and the North appropriated the knowledge and concepts, and brought them to production readiness. This does not count as inventing new worlds" (in State of images. The media pioneers Zbigniew Rybczynsi and Gabor Body. par Siegfried Zielenski et Peter Weibel (eds). Nurenberg. Verlag fur Moderne Kunst 2011).

La boutique du ZKM a des rayons de librairie (une trentaine de mètres linéaires), où nous avons découvert les titres :
- Special effects. Still in search of wonder. par Michele Pierson. Columbia University Press 2002 (désolé de l'avoir découvert si tard...) . Plutôt littéraire, mais avec beaucoup d'exemples.
- Robot Ethics. The ethical and social implications of robotics. par Patrick Lin, Keith Abney et George Bekey. MIT Press 2012. Une synthèse stimulante pour ceux qui s'intéressent à l'avenir au delà des présidentielles. Les petits coquins (et coquines car, dans l'état actuel des technoloies, elles sont bien mieux servies que les hommes) ne manqueront pas les chapitres sur les sexbots. Les amateurs de prospective noteront les limites du travail : pas question de l'art (représentation des robots, robots artistes), ni de la communication entre robots (un point pourtant essentiel : il faut 1/100e de seconde pour qu'une information aille du pied d'un human à son cerveau ; pendant ce temps, des robots peuvent s'envoyer des informations à 3 000 km de distance).
- A touch of code. Interactive installations and experiences, par Robert Klanten, Sven Ehmann et Verena Hanschke. Berlin, Gestalten 2011. Un grand ouvrage (25/29 cm) et un grand nombre d'exemples, avec de belles images malheureusement trop peu commentées (même pas l'indication de la date). Et surtout, rien sur la programmation. D'ailleurs, une bonne partie des installations présentées n'ont rien d'informatique.

Notons que, à Karlsruhe comme à Los Angeles pour le Siggraph, le courant ne passe pas entre le "monde de l'art" (ses musées, ses galeries, ses salons) et les arts numériques. Rien à Art Karlsruhe ne poussait les visiteurs vers le ZKM (où se tenait pourtant une exposition sur l' "Histoire de la performance"), et c'est assez discrètement que le ZKM avait mis en son point d'accueil quelques dépliants sur le salon de l'art.

Concluons donc par un coup de chapeau à Valérie Benillouche et à sa galerie Charlot, un des seuls endroits du monde où l'on peut voir, en permanence, l'art contemporain "traditionnel" et l'art numérique présentés simultanément.

Pierre Berger

(*) La table des matières est impressionnante, avec notamment les chapitres :
- de la vie artificielle et des recherches sur la complexité au bio-art et au nano-art,
- immersion, illusion et environnements intelligents,
- interaction multmodale avec les données d'Internet

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